Pétrole : trente ans d’incidents environnementaux en Afrique

Connus du grand public ou – pour plusieurs d’entre eux – oubliés et jamais jugés, de nombreux incidents environnementaux ont émaillé l’exploitation et le transport de pétrole sur le continent africain. Retour sur plus de trente ans d’une (més)aventure pétrolière et écologique en Afrique.

Retour sur trente ans d’incidents environnementaux liés au transport et à l’exploitation pétrolière en Afrique. DR

Retour sur trente ans d’incidents environnementaux liés au transport et à l’exploitation pétrolière en Afrique. DR

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Publié le 9 janvier 2015 Lecture : 6 minutes.

 

 

  • Tchad – Visite surprise à Koudalwa (2013)
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Une visite surprise du ministre tchadien de l’Énergie et du Pétrole sur le site de Koudalwa (à 300 km de N’Djamena) exploité par la filiale locale de l’opérateur public China National Petroleum Company (CNCP) en août 2013 permet la découverte du déversement de plusieurs miliers de litres de pétrole.

Issus de tests de rendement de puits pétroliers, ces résidus qui devaient être récupérés, ont été brûlés ou déversés sans protection dans des tranchées creusées à même le sol. La compagnie pétrolière chinoise, enjointe dans un premier temps à payer une amende de 1,2 milliard de dollars pour violation des normes environnementales, se voit retirer ses permis sur cinq blocs pétroliers suite à son refus d’obtempérer.

En octobre 2014, un accord a été trouvé entre les deux parties. En contrepartie du paiement d’une indemnité de 400 millions de dollars et de la cession gratuite à l’État d’une participation de 10 % dans l’ensemble des champs qu’il exploite dans le pays, le groupe pétrolier se voit restituer ses titres et le gouvernement abandonne ses procédures judiciaires.

  • Nigeria – Shell et les pêcheurs du Delta (2008)

La somme semble sans doute infime au vu des résultats financiers de Shell (451 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2013) et peut-être insuffisante au vu des dégats environnementaux entraînés, mais c’est un premier pas.

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Début janvier 2015, la filiale nigériane du géant anglo-néerlandais des hydrocarbures a accepté de verser 35 millions de livres sterling à 15 600 plaignants, des pêcheurs de Bodo, une ville du sud du Nigeria, et 20 millions de livres à la municipalité, en dédommagement pour le versement de plusieurs milliers de barrils de pétrole dans cette région du Delta du Niger.

La pollution causée en 2008 par deux fuites sur un pipleline détenu par le producteur pétrolier a anéanti l’activité économique – essentiellement tournée vers la pêche – des villages situés dans cette contrée. Le bras de fer entre la filiale locale de Shell et la communauté de Bodo a duré six ans.

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Si ce conflit a enfin connu une résolution, la question de la pollution de l’Ogoniland, dans le Delta du Niger, est encore loin d’être réglée. Selon un rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue) paru en août 2011, la dépollution de cette région prendrait plus de 25 ans et demanderait plus d’un milliard de dollars d’investissements.

Trois ans après la publication de ce rapport, rien n’a changé. Ou si peu : Shell a déboursé 55 millions de livres pour les dépossédés de Bodo…

 

  • Côte d’Ivoire – l’Affaire Probo Koala (2006)

En août 2006, plus de 500 tonnes de résidus toxiques sont déversés dans les environs d’Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire, entraînant la mort de 17 personnes et l’intoxication de plusieurs dizaines de milliers d’Ivoiriens, selon le bilan établi par les autorités.

Trafigura, la multinationale hollando-suisse de courtage pétrolier, affréteur du navire Probo Koala a accepté en septembre 2009, dans le cadre d’un accord à l’amiable, de verser 22,5 milliards de F CFA (34 millions d’euros) de dédommagements aux victimes.

Toujours dans le cadre de cette affaire, Trafigura a été condamné par la justice hollandaise en 2010 à payer une amende d’un million d’euros pour infraction à la législation sur l’exportation et l’importation de déchets toxiques.

 

  • Afrique du Sud Treasure fait naufrage à Robben Island (2000)

Treasure Oil Spill cIFAWLe 23 juin 2000, le navire Treasure immatriculé au Panama et transportant 140 000 tonnes de minerai de fer du Brésil vers la Chine fait naufrage, victime d’une avarie, près de l’île pénitencière de Robben Island, dans la baie du Cap, en Afrique du Sud.

Environ 1 000 tonnes de fioul de propulsion se répandent. La pollution marine, qui affecte plus de 76 000 manchots, entraîne des dégâts estimés à 1,5 millions d’euros.

Suite à cette catastrophe, la « zone maritime méridionale de l’Afrique du Sud » est créée. Dans cette zone de protection longue de 1 500 kilomètres, les opérations de vidange des navires sont restreintes afin de limiter les risques environnementaux. Elle est entrée en vigueur en 2008.

>>> Voir aussi : ONU : le rejet des déchets plastiques en mer coûte 13 milliards de dollars par an

  • Djibouti – Les pipelines abandonnés (1997)

L’Autorité des ports et zones franches de Djibouti réclame 185 millions de dollars de dédommagement aux filiales locales de Total, de l’ex opérateur américain Mobil (cédée au kényan Kobil) et de l’anglo-britannique Shell (vendu à Oil Libya), selon les informations rapportées par le journal kényan Africa Review.

katina P cItopfLes faits remontent à la pollution du port de Djibouti en 1997. Selon les autorités du petit pays d’Afrique de l’Est, entre 6 000 et 7 000 tonnes de pétrole ont été déversés dans cette zone, contaminant jusqu’à 400 000 mètres carrés de terrain. Entre 9 et 12 oléoducs appartenant à ces entreprises auraient été abandonnés sur ces sites, rendant impossible les travaux d’aménagement et de lotissement prévus dans cette zone.

Une décision de la justice djiboutienne enjoignant les compagnies pétrolières à dédommager le Port de Djibouti n’a pas été suivie d’effets. Les autorités portuaires du pays envisagent de porter le litige devant les tribunaux internationaux. 

  •  Mozambique – le Katina P est brisé en deux (1992)

Alors qu’il transportait 66 700 tonnes de brut du Venezuela vers les Émirats arabes unis, le tanker Katina P, immatriculé à Malte, est violemment secoué par des vagues scélérates, le 17 avril 1992.

katina P cM Francis PanoramioDeux réservoirs sont éventrés et près de 13 000 tonnes de pétrole brut sont déversées en mer. Pour éviter de sombler complètement, l’équipage fait échouer volontairement le navire sur un banc de sable à une dizaine de kilomètres de la baie de Maputo, avant que le bateau ne soit remorqué en haute mer. Durant ce remorquage, il se brise en deux et coule, le 26 avril, à plus de 170 kilomètres des côtes du Mozambique. Sa cargaison est entièrement déversée en mer. 

Si « seulement » 500 tonnes de brut atteignent le littoral mozambiquais, la pollution touche les îles, les îlots et les mangroves de la baie du Mozambique. Des 10,7 millions de dollars de dédommagements demandés par le pays – qui sortait épuisé de quinze ans de guerre civile -, seulement 4,5 millions de dollars ont été versés. 

  • Angola – l’incendie du ABT Summer (1991)

Le 28 mai 1991, un incendie se déclenche à bord de ABT Summer, un tanker immatriculé au Libéria et transportant 260 000 tonnes de brut iranien du port de Khark, dans le golfe Persique, vers celui de Rotterdam en Hollande.

L’incident qui a lieu à 900 miles (1450 kilomètres) au large des côtes angolaises entraîne le déversement de plusieurs milliers de litres de pétroles, sur une surface couvrant près de 80 miles carrés (200 kilomètres carrés). Des 32 membres de l’équipage, 27 sont secourus, 4 disparaissent en mer et un mort est retrouvé.

Le navire sombre. La pollution marine n’a pas atteint les côtes angolaises. Les dégats environnementaux entraînés ont été jugés « faibles », selon le compte-rendu fourni par le Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre).

  • Maroc – Khark 5 explose au large de Safi (1989)

En route vers Rotterdam, le pétrolier iranien Khark 5, transportant 280 000 tonnes de pétrole brut, endommagé par une tempête est victime d’une explosion le 19 décembre 1989, à 150 miles nautiques des côtes marocaines. Environ 70 000 tonnes de pétrole se répandent en mer pendant douze jours.

Castilo de Bellver-coilspillsolutions.orgLe 1er janvier 1990, l’incendie est maîtrisé et le navire (auquel ni l’Espagne ni le Maroc n’ont ouvert l’accès à leurs eaux territoriales) est remorqué en haute mer où il est réparé. La pollution du littoral marocain est limitée.

  • Afrique du Sud – le Castillo de Bellver prend feu (1983)

Baptisé en l’honneur du château de Bellver sur l’île espagnole de Majorque, le Castillo de Bellver a pris feu le 6 août 1983 à 80 kilomètres de Table Bay, la baie formée par le littoral de Cape Town, en Afrique du Sud. Le navire battant pavillon espagnol, qui transportait 250 000 tonnes de pétrole brut, se brise en deux avant de sombrer entièrement le lendemain. 

Entre 150 000 et 160 000 tonnes de pétrole ont été déversées. Si les côtes sud-africaines sont épargnées, ce n’est pas le cas des oiseaux marins. En effet, au moins 1 500 fous du cap ont été emmazoutés.

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