Contraception au Burkina : « Les gens s’imaginent qu’on va pervertir leurs enfants »

Plus de 15 millions d’adolescentes âgées de 15 à 19 ans accouchent chaque année dans le monde selon l’UNICEF. 95% de ces naissances surviennent dans les pays en développement. L’Afrique est l’un des continents les plus touchés par le phénomène. Mais depuis quelques années, la société civile se mobilise pour sensibiliser les jeunes à ce phénomène.

Au Burkina Faso, l’association SOS/Jeunesse et défis sensibilise les jeunes sur le planning familial. © Sylvain CHERKAOUI pour Jeune Afrique

Au Burkina Faso, l’association SOS/Jeunesse et défis sensibilise les jeunes sur le planning familial. © Sylvain CHERKAOUI pour Jeune Afrique

Publié le 3 février 2017 Lecture : 2 minutes.

Au Burkina Faso, l’association SOS/Jeunesse et Défis tente de prévenir les grossesses précoces. Jeune Afrique a interrogé Laure Nadine, un des ses membres.

Jeune Afrique : Pourquoi vous êtes-vous engagée sur le sujet des grossesses précoces ? Quel était le constat de départ ?

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Laure Nadine : Il est compliqué pour une jeune femme d’obtenir des informations sur les moyens de contraception, le VIH ou une grossesse. J’ai moi-même été confrontée à ce problème à Ouagadougou. Adolescente, je cherchais à m’informer, mais les infirmières m’ont renvoyé chez moi. Je me suis engagée à cause de ce paternalisme. Le personnel de santé se substitue à nos propres parents. Une fille n’a pas à être informée, elle doit attendre de se marier « pour comprendre ».

Avec l’Association SOS/Jeunesse et Défis, on milite pour que les agents de santé mettent de côté leurs appréhensions religieuses et culturelles et préviennent des situations irréparables comme une grossesse précoce ou une contamination du VIH.

Quel travail de prévention faites-vous sur le terrain avec votre association ?

Sur le terrain, la réception est difficile chez beaucoup de familles, qu’elles soient chrétiennes ou musulmanes. Les gens s’imaginent qu’on va « pervertir » leurs enfants. Il y a cette idée de l’abstinence, celle qui dit qu’on ne doit pas prendre de plaisir lors d’un rapport sexuel.

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À SOS/Jeunesse et Défis, notre travail vise surtout à libérer la parole. On organise ce qu’on appelle des « causeries », des formations collectives dans les écoles. On essaie d’introduire de la mixité lors de ces échanges où filles et garçons sont conviés à débattre ensemble.

Mais ce n’est pas évident. Les filles sont pudiques et se sentent honteuses. Leurs professeurs et leurs parents réprouvent ce genre d’initiatives. Chez nous, parler de sexualité, c’est sale. On trouve cependant des manières de contourner ce conservatisme en fournissant de la documentation aux jeunes, notamment des fiches de référence qu’on fait nous-mêmes.

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Quelles actions menez-vous auprès du Ministère de la Santé ?

Confronté à une opinion conservatrice, le gouvernement a du mal à prendre des initiatives sur ce terrain. On a donc produit un plaidoyer pour expliquer la nécessité d’agir. Des associations, dont la nôtre, travaillent déjà au niveau local pour sensibiliser, mais des mesures au niveau national doivent être prises.

SOS/Jeunesse et Défis a produit un rapport détaillé qui demande au gouvernement de fournir  gratuitement des moyens contraceptifs sur tout le territoire. Le ministère semble nous avoir entendu et promet de mettre ce dispositif en place dans l’année.

Nos actions, aussi modestes soient-elles, peuvent sauver de nombreuses filles d’une grossesse non désirée qui interromprait leurs études et leur ferait perdre en autonomie. On a ce pouvoir d’agir directement, de sensibiliser, tout en interpellant le pouvoir en place. En tant que jeune, je crois aux effets positifs que peuvent avoir la mobilisations de la société civile sur le sujet.

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