Tunisie : des médecins en grève dénoncent un manque de moyens et de considération

La mort d’un nouveau-né et l’interpellation d’une médecin résidente en charge de la réanimation du nourrisson à Sousse a suscité la polémique dans le pays, ravivant le débat sur la responsabilité médicale et le manque de moyens dans les hôpitaux publics du pays.

Ras-le-bol des professionnels médicaux tunisiens, qui choisissent souvent de s’exiler pour mieux exercer. © Michel Euler/AP/SIPA

Ras-le-bol des professionnels médicaux tunisiens, qui choisissent souvent de s’exiler pour mieux exercer. © Michel Euler/AP/SIPA

Publié le 8 février 2017 Lecture : 3 minutes.

Malgré l’ouverture d’une « enquête médicale d’urgence » et la libération lundi de leur collègue, plusieurs médecins ont appelé à manifester leur ras-le-bol, et une grève générale dans les secteurs publics et privés – hors services d’urgence – a été observée mercredi 8 janvier.

Le déclencheur de ce mouvement ? Le décès dans des conditions controversées d’un bébé né prématuré en fin de semaine dernière à l’hôpital Farhat Hached de Sousse. Dans un communiqué, la direction générale de l’hôpital a rapidement assuré que l’équipe médicale avait effectué « tous les efforts nécessaires pour réanimer le nourrisson alors qu’il était dans un état grave ». Mais une médecin résidente de l’établissement a été interpellée sur des soupçons « d’erreur médicale », suscitant la colère de la profession. D’autant qu’un anesthésiste a été interpellé au même moment à Gabès suite au décès d’un patient au cours d’une intervention chirurgicale.

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Un cadre juridique jugé « obsolète »

« Médecins et fiers de l’être », « Médecin, non assassin », « Médecin menacé, soins limités », ont clamé des centaines de manifestants mercredi à Tunis. Ils ont fustigé à la fois le traitement médiatique de l’affaire et le « cadre juridique obsolète » en matière de « responsabilité médicale ».

Il faut « définir clairement l’erreur médicale. La législation ne l’a pas fait. Aujourd’hui, c’est au médecin de prouver qu’il n’en a pas commis », a fait valoir dans le quotidien La Presse, Me Saber Ben Ammar, avocat spécialisé en droit médical.

S’exprimant le 6 janvier en conférence de presse, la ministre de la Santé, Samira Meraï, a elle-même reconnu l’existence d’un « vide juridique » en matière de responsabilité professionnelle du médecin, affirmant qu’un projet de loi relatif aux « accidents médicaux » était en cours d’élaboration. Elle a également appelé à un rétablissement de la confiance entre citoyens et professionnels de la santé.

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Une affaire qui divise

Entre les prises de parole de la jeune médecin interpellée, du père du nourrisson ou de la ministre de la Santé, la controverse s’est par ailleurs vite propagée dans l’opinion publique, certains internautes arguant que la profession n’était pas « au-dessus des lois ». Elle a été avivée par une information selon laquelle le petit corps était resté des heures « dans une boite en carton » avant d’être remis à la famille.

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Mercredi, le porte-parole du tribunal de Sousse, Mohamed Raouf Youssefi, a avancé sur Mosaïque FM que le rapport médical avait fait l’objet de « modifications ».

Les médecins, eux, crient à une diabolisation de leur profession par les médias tunisiens, à l’origine d’un malaise grandissant avec les citoyens. Autres problèmes : le manque de moyens des hôpitaux publics et le risque de voir une partie du corps médical quitter le pays pour exercer dans de meilleures conditions.

« Imaginez : des patients, par dizaines, traités comme du bétail. Les infirmiers et les personnels paramédicaux, qu’il faut supplier pour qu’ils consentent à faire les gestes de base de leur métier. Des locaux vétustes, sales, des médicaments en rupture de stock, des appareils qui ne marchent pas. Et vous, à 23 ans, au milieu de cette mer en furie, seule responsable, dans ce climat de tension extrême, avec des gardes qui peuvent durer trente-six à quarante-huit heures. C’était Fallouja ! », avait dit Azza Essadi, à Jeune Afrique (n° 2925). C’est pourquoi elle a choisi de travailler depuis un an au centre hospitalier de Montargis, dans le Loiret. En France.

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