Burundi : au-delà des armes, la guerre des photomontages et des « fake news »

Les internautes burundais sont confrontés au déferlement d’intox depuis que le pays est plongé dans la crise politique. Retour sur un phénomène qui inquiète.

Les réseaux sociaux ont été au cœur du Printemps arabe. © Richard Drew/AP/SIPA

Les réseaux sociaux ont été au cœur du Printemps arabe. © Richard Drew/AP/SIPA

Armel Bukeyeneza

Publié le 10 février 2017 Lecture : 3 minutes.

Depuis la destruction des quatre principales radios et d’une télévision, toutes privées, lors du coup d’État raté dans la nuit du 13 au 14 mai 2015, l’information a quitté les ondes au Burundi, pour se retrouver principalement sur internet. Mais cette migration n’a pas tardé à avoir de fâcheuses conséquences : des images trafiquées aux « fake news », il n’est désormais pas facile de dissocier l’info de l’intox qui tourne en boucle sur les réseaux sociaux. À titre d’exemple, voici quelques cas parmi les plus récents :

Le faux Imbonerakure tué en RD Congo

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Alors que des informations sur la présence d’Imbonerakure (jeunes affiliés au parti au pouvoir) en RD Congo, « pour aider à traquer des ‘rebelles burundais’ », circulent, fin décembre 2016, une image fait le tour de Twitter. Casque militaire, tenue de combat, le doigt sur la gâchette, un jeune combattant qui, apparemment, a déjà sa cible dans le viseur, est présenté comme un Imbonerakure qui aurait été tué en RD Congo. Un nom est même avancé : Pacifique Ndagijimana, qui serait originaire de Gihanga en province Bubanza, à l’ouest du Burundi. Mais quelques recherches sur « Google image » permettent rapidement de démasquer un vulgaire photomontage : l’image est en fait un « mème » d’internet, le visage du soldat étant remplacé à chaque fois par un autre en fonction des besoins. Les autorités ne feront quant à elles aucune réaction pour confirmer ou infirmer la mort du jeune Pacifique.

Les pseudos affamés de Bubanza

Si la famine ne cesse de faire ses victimes en province de Bubanza, certaines images terribles qui circulent se sont néanmoins avérées fausses. C’est le cas de cette photo qui a fait le tour des groupes WhatsApp et qui montre des enfants qui terriblement amaigris, couchés à même le sol et visiblement agonisants, voire peut-être morts. Les recherches montrent que la photo a été prise avant la situation de famine à Bubanza – on trouve sa trace sur le web dès 2012 -, qu’elle n’a vraisemblablement pas été prise au Burundi, ayant été publiée longtemps avant sur des sites présentés comme basés au Mali et en Somalie, des plus « douteux » au plus « dangereux » selon le logiciel Web of Trust (WOT) qui permet de mesurer la fiabilité des sites internet.

Le faux décret de Donald Trump sur le Burundi

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Trop beau pour être vrai. « Donald Trump signs a visa free travel policy for Burundi (Donald Trump signe la fin des visas pour les Burundais aux États-Unis)», titrait ainsi « usa-television.com », un « site fantôme » d’après différentes sources dont celles basées aux États-Unis. L’article a été si partagé et pris au sérieux que l’ambassade américaine au Burundi s’est vue obligée d’apporter son démenti avant que le même site n’étende finalement son intox à d’autres pays, notamment dans les Caraïbes.

Nkurunziza dans le viseur de Trump ?

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Le 4 février, un compte burundais sous pseudo publie sur Facebook une photo du président américain tenant un texte en grands caractères qui met garde le président burundais Pierre Nkurunziza. En lançant la recherche dans « Google image », l’original du cliché montre en réalité Donald Trump exhibant le décret sur le projet de mur avec Mexique juste après l’avoir signé, le 25 janvier.

Capture d'écran d'un compte Facebook relayant le photomontage prêtant à Donald Trump un message à Pierre Nkurunziza. © DR

Capture d'écran d'un compte Facebook relayant le photomontage prêtant à Donald Trump un message à Pierre Nkurunziza. © DR

Un phénomène de crise

Le phénomène de désinformation par les réseaux sociaux venant du Burundi est très récent, et semble directement relié à la crise politique de 2015, notamment quand de nombreux activistes se sont exilés. « C’est à ce moment-là que ça s’est vraiment intensifié, et donc que la riposte côté gouvernemental a aussi été plus forte via les réseaux sociaux, Twitter et Facebook essentiellement, avec beaucoup d’images notamment », témoigne Alexandre Capron, journaliste dans l’émission « les Observateurs » de France 24, spécialisée dans la détection des intox du web.

Le Burundi figurait en 2016 dans le top 5 des pays africains qui utilisent le plus Twitter dans les débats et actualité politiques, d’après les derniers chiffres de « Portland communications », un cabinet de conseil en communication et affaires publiques basé à Londres. Et ce malgré un taux d’accès à internet inférieur à 2%, le 2e plus faible d’Afrique selon le dernier rapport d’Internet Live Stat.

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