Élection présidentielle en France : Emmanuel Macron ou la chance du débutant

L’histoire ressemble à un conte de fées. Illustre inconnu au début du quinquennat de François Hollande, Emmanuel Macron est en passe de dynamiter la vie politique française.

Emmanuel Macron lors d’un meeting à Lyon, le 4 février 2017. © Michel Euler/AP/SIPA

Emmanuel Macron lors d’un meeting à Lyon, le 4 février 2017. © Michel Euler/AP/SIPA

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  • Samy Ghorbal

    Samy Ghorbal est ancien journaliste de Jeune Afrique, spécialiste de la Tunisie.

Publié le 15 février 2017 Lecture : 3 minutes.

À 39 ans, cet énarque au physique de jeune premier qui n’a encore jamais été confronté au suffrage universel et n’est plus membre d’aucun parti (il s’est éloigné du Parti socialiste à partir de 2009) fait désormais figure de favori de l’élection présidentielle. Au premier tour, les sondages le placent devant François Fillon, le candidat des Républicains empêtré dans le Penelopegate. En cas de qualification pour le second, il l’emporterait sans discussion face à Marine Le Pen, la patronne du Front national, comme face à ce même Fillon.

Il fait miroiter sa modernité mais sa communication s’appuie sur de très vieilles ficelles.

Agacés, les soutiens de Manuel Valls, ancien Premier ministre et leader de l’aile droite du PS, l’ont longtemps dépeint comme une création médiatique, une baudruche inexorablement appelée à se dégonfler. On sait ce qu’il advint : c’est leur champion qui mordit la poussière lors de la primaire de la gauche. Depuis, la dynamique ne se dément pas. Elle s’appuie largement sur En marche !, le mouvement transpartisan créé par Macron en avril 2016 (il revendique déjà 120 000 adhérents).

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Campagne à la gaullienne

L’expliquer rationnellement n’est pas chose aisée, tant l’intéressé cultive paradoxes et transgressions. Au ministère des Finances, il osa par exemple se démarquer de la doxa officielle sur les trente-cinq heures ou le statut des fonctionnaires. Et il laisse aujourd’hui ses partisans le présenter comme un « candidat antisystème ». On se demande bien pourquoi, tant, tout au long de son parcours somme toute classique, il a coché avec application les cases de la réussite : Sciences-Po, ENA, Inspection des finances, banque Rothschild, Élysée enfin, où, en 2012, il est nommé secrétaire général adjoint…

 Tout le monde imaginait le vieux PS à l’agonie, n’est-il pas en train de ressusciter grâce à Hamon ?

La vérité est qu’Emmanuel Macron surfe sur l’irrépressible désir de renouvellement qui sourd des profondeurs de la France. Il fait miroiter sa modernité pour mieux ringardiser les « vieux partis », mais sa communication s’appuie sur de très vieilles ficelles : couvertures de Paris Match et de VSD ; photos de vacances en compagnie de son épouse ; interviews calibrées au millimètre ; connivence avec les journalistes… Il parie sur la décomposition du système des partis et rejette les primaires, mais sa démarche s’inscrit en réalité dans une logique, presque une mystique, très gaullienne : la présidentielle conçue comme la rencontre d’un homme et d’un peuple.

Chanceux et talentueux

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Le phénomène Macron échappe aux catégories d’analyse habituelles : « équation personnelle », « charisme »… Le rapport que le candidat a instauré avec ses partisans comporte une part d’irrationnel et n’est pas sans rappeler Ségolène Royal en 2006. Celle-ci était une Madone, Emmanuel irradie parfois comme s’il était habité par la grâce. On a beaucoup ironisé sur son sourire extatique à l’issue de son premier grand meeting de campagne, à la porte de Versailles, le 10 décembre.

On le soupçonne de se prendre pour le Messie. Comme le souligne malicieusement David Le Bailly dans les colonnes de L’Obs, Emmanuel – qui, en ancien hébreu, signifie littéralement « Dieu est avec nous » – n’est-il pas l’autre prénom donné au Christ dans l’Évangile selon Matthieu ?

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Napoléon Bonaparte, qui s’y connaissait en hommes, exigeait de ses généraux deux qualités : le talent et la chance. Le talent de Macron est indéniable. Et sa chance, insolente. Au fil des mois, il a vu ses adversaires les plus dangereux se retirer de la course (Hollande) ou en être éjectés (Sarkozy, Juppé, Valls). L’affaire est-elle pour autant pliée ? Il serait présomptueux de l’affirmer. Alors que tout le monde imaginait le vieux PS à l’agonie, n’est-il pas en train de ressusciter grâce à Hamon et à son programme quasi gauchiste ? C’est le miracle de saint Benoît !

Bref, la campagne peut encore réserver des surprises. Car Macron conserve une fragilité intrinsèque : il attire en priorité les électeurs flottants, sans affiliation politique bien définie. Ces derniers sont de plus en plus nombreux, mais inconstants, capricieux, versatiles. Prudence, donc. À trop être sollicitée, il arrive que la chance se lasse…

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