L’exposition « Mémoire de Tunisie en Pop Art » de passage à Tunis
Exposés du 12 février au 3 mars à Tunis, les tableaux colorés et décalés de l’artiste Sarroura Libre dépoussièrent l’héritage politique et culturel de son pays.
Le poète Abou El Kacem Chebbi au style hippie, la chanteuse Nâama, portable à la main, Tahar Haddad, auteur féministe et syndicaliste, coiffé d’une chéchia à fleurs… Tous viendront habiller les murs de la galerie Musk and Amber de Tunis, attisant la nostalgie des plus âgés et la curiosité des plus jeunes. C’est en tout cas ce qu’espère l’humoriste, réalisatrice et artiste tunisienne, qui préfère garder pour l’occasion son pseudonyme, Sarroura Libre.
« Ces œuvres sont gaies, avec une touche d’humour. Un peu comme moi ! », explique-t-elle à Jeune Afrique.
Plus connue pour ses sketchs sur les réseaux sociaux, dans lesquels elle caricature l’actualité tunisienne depuis 2011, elle a décidé ces dernières années de partager également son appétence pour l’art, qu’elle cultive depuis son enfance. « Je dessine depuis toute petite, mais ça restait jusque-là un hobby. Ce n’est que récemment que j’ai décidé de m’y consacrer plus sérieusement.» Diplômée de l’école des Beaux-arts de Sousse, elle vit aujourd’hui en France, où elle a lancé sa propre société « d’aide et de conseil à la décoration ».
À travers son exposition « Mémoire de Tunisie en pop art », Sarroura Libre a voulu rendre hommage à son pays et aux personnalités qui l’ont marqué depuis la fin des années 30, par leur talent, leur charisme et leur parcours. Après un premier succès en mars 2016 au siège des Nations Unies à New-York – dans le cadre de la 60e session de la Commission de la condition de la femme −, c’est à Tunis qu’elle accroche aujourd’hui ses tableaux, pour une « première exposition entièrement à [son] nom. »
Des œuvres 100% tunisiennes
Près d’une année de travail et de recherches iconographiques a été nécessaire pour donner naissance à ces œuvres que Sarroura Libre voulait « 100% tunisiennes » « Beaucoup d’artistes maghrébins qui font du pop art se basent essentiellement sur des références occidentales. Moi, je veux faire découvrir notre beau patrimoine tunisien à travers un mouvement artistique que j’adore et qui parle à beaucoup de personnes », explique-t-elle.
Ajoutant qu’avec le temps passé ensemble, un lien particulier s’est tissé entre elle et ces personnalités tunisiennes choisies pour un relooking artistique : « Je me suis régalée à redécouvrir leurs histoires, à me plonger dans leurs poésies, livres ou musique. Ça m’a fait du bien. J’ai aussi appris des choses sur certains de ces personnages, que je ne connaissais pas vraiment avant. »
Comme celle que l’on surnommait Louisa Tounsia (Louisa la Tunisienne), une chanteuse juive tunisienne très populaire à l’époque de la Seconde guerre mondiale, et qui a particulièrement touché Sarroura Libre par le courage et la force de ses chansons.
https://www.instagram.com/p/BQLJugphd6y/?taken-by=sarroura_libre
Une « déclaration d’amour » au pays
Cette exposition est donc avant tout une déclaration d’amour à son pays, confie-t-elle. Car depuis qu’elle vit en France, le mal du pays la pousse à manifester d’avantage sa tunisianité, à travers ses sketchs d’abord, et via d’autres activités artistiques. « J’éprouve de la frustration depuis que je suis à l’étranger, on a ce sentiment de se sentir un peu exclu de ce qui se passe en Tunisie, l’impression de ne pas être assez utile. »
Cette exposition est aussi une manière de proposer un peu de couleurs et d’optimisme à une jeunesse tunisienne « exaspérée, qui en a ras-le-bol ». Et « pour avancer dans le futur, il faut apprécier le passé. »
Après cette escale tunisienne, l’exposition pop art s’installera à l’Institut du monde arabe de Londres, en juillet 2017. Sarroura Libre espère aussi pouvoir présenter son travail à l’Institut du monde arabe parisien, dans son deuxième pays, la France. Et entre ses voyages, elle se consacre à un nouveau projet artistique autour de la mémoire du monde arabe, en pop art et en sculptures.
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