Côte d’Ivoire : qui est responsable de l’enlèvement de l’avocat français Xavier Ghelber en 2004 à Abidjan ?
Le procès des auteurs présumés du bref rapt de l’avocat français Xavier Ghelber, enlevé à Abidjan dans la nuit du 6 au 7 novembre 2004, s’est ouvert vendredi à Paris. Les raisons de cet enlèvement, qui aura duré quelques heures, restent mystérieuses. L’affaire a été mise en délibéré jusqu’au 3 mars.
Un seul des cinq anciens militaires ivoiriens du Groupe de sécurité présidentielle poursuivis pour l’enlèvement de l’avocat français Xavier Ghelber et d’un autre Français, depuis décédé − le retraité Jean Labatut −, s’est présenté à l’audience, vendredi 10 février au tribunal correctionnel de Paris.
À la barre, Xavier Ghelber explique qu’il était à l’époque à Abidjan pour réaliser un audit juridique de la filière cacao dont la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial, à la demande de l’Union européenne.
Il est 05h00 du matin lorsqu’il est réveillé par de violents coups frappés à la porte de sa chambre d’hôtel, le fameux hôtel Ivoire. Des soldats, nerveux, le somment de les suivre et lui demandent de « mettre un sac blanc sur la tête », ce qu’il refuse de faire. Agacé, un militaire avait alors « tiré une rafale de kalachnikov », en blessant un autre.
Me Ghelber est ensuite embarqué dans un véhicule avec Jean Labatut. Évoquant la « situation mortifère » de la filière cacao, l’expert croit alors à « une liquidation ».
« C’était six mois après la disparition du journaliste Guy-André Kieffer, qui enquêtait sur des malversations de la filière cacao, réorganisée pour détourner l’argent au profit du régime », dit-il. Le corps du journaliste, disparu sur un parking d’Abidjan alors qu’il avait rendez-vous avec le beau-frère de Simone Gbagbo, l’épouse de l’ex-président ivoirien, n’a jamais été retrouvé.
Après une brève halte, les deux hommes sont conduits à la résidence présidentielle. « J’ai alors compris que notre enlèvement n’était pas lié au cacao mais peut-être à ces rumeurs d’attentat contre le président », explique l’avocat à l’AFP.
Bombardement de Bouaké
« Il faut se replonger dans l’ambiance », poursuit-il, rappelant le contexte historique de son « aventure » personnelle. Car le 6 novembre intervient le bombardement de Bouaké (Nord). « Vers 13h00, se souvient Xavier Ghelber, deux Sukhoï de l’aviation ivoirienne bombardent un camp militaire français à Bouaké », tuant neuf soldats français. « Vers 14h30, les militaires français ripostent », en détruisant à leur tour les aéronefs ivoiriens.
« Vers 15h00, les patriotes [les partisans du président Gbagbo, ndlr] appellent à la mobilisation antifrançaise, le lycée français est en feu, les Blancs affluent vers l’hôtel Ivoire, un des points de ralliement en cas d’évacuation », se rappelle-t-il.
Depuis la présidence, relate Xavier Ghelber, les deux Français sont conduits au quartier général de la gendarmerie. Au lever du jour, des officiers de gendarmerie viennent prendre leurs noms ; ils passent alors « du statut d’otages à celui de victimes ». « On a été conduit dans un hôtel, où les militaires français nous ont récupérés deux jours plus tard. »
À la barre, l’ancien adjudant Charles-Olivier Rabet − le seul militaire poursuivi présent à Paris − affirme n’avoir fait qu’ « obéir aux ordres » : « accompagner le lieutenant Kouassi [également prévenu] pour une ronde ». Il nie avoir « jamais menacé » l’avocat.
Son avocat, Me Rodrigue Dadjé, qui est aussi celui de Simone Gbagbo, a évoqué le contexte d’un pays « agressé », estimant que « si on avait voulu tuer Xavier Ghelber, on aurait pu le tuer directement dans sa chambre ». Pour lui, les Français ont au contraire « été protégés » par la gendarmerie ivoirienne. L’affaire a été mise en délibéré jusqu’au 3 mars 2017.
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