Tunisie : l’état d’urgence favorise le retour de méthodes dignes du régime de Ben Ali, selon Amnesty International
Dans un rapport publié lundi, Amnesty International s’inquiète d’une recrudescence « importante » de « méthodes brutales du passé » en Tunisie dans le cadre de la lutte antiterroriste. Des pratiques qui seraient intimement liées à l’état d’urgence.
« Torture », « arrestations arbitraires », « perquisitions » parfois menées en pleine nuit et « sans mandat », « restriction des déplacements des suspects », « harcèlement de proches »… C’est la liste des abus commis par les autorités tunisiennes et rapportés par Amnesty.
Une situation qui, pour l’ONG, marque une « hausse inquiétante du recours à des méthodes répressives contre les suspects dans les affaires de terrorisme ».
« Un sinistre rappel du régime de Ben Ali »
Cible depuis près de deux ans d’une une série d’attaques jihadistes sanglantes qui ont fait plusieurs dizaines de morts, la Tunisie cherche vainement à endiguer le fléau bien ancré sur ses terres. À ce titre, les autorités ont pris un ensemble de mesures sécuritaires dont l’état d’urgence, en vigueur depuis l’attentat contre un bus de la garde présidentielle en novembre 2015 à Tunis (12 agents tués).
Mais la mise en place de cet état d’urgence – sans cesse prolongé depuis – s’accompagne de dérives pour le moins inquiétantes. Amnesty fait notamment état de « 23 cas de torture et mauvais traitements depuis janvier 2015 », dont un viol présumé. L’ONG relève aussi que « des milliers de personnes ont été arrêtées » tandis qu’ »au moins 5 000″ autres « se sont vu interdire de voyager » depuis que l’état d’urgence a été réinstauré. Des témoignages qui constituent un « sinistre rappel du régime » de Zine el Abidine Ben Ali, poursuit Amnesty.
Les gains de la révolution de 2011 mis à mal
En « recourant de plus en plus aux lois d’exception » et aux « méthodes brutales du passé », la Tunisie met « en péril les avancées obtenues » depuis la révolution de 2011, prévient Amnesty International dans un rapport sur les « violations des droits humains sous l’état d’urgence ».
« Certains droits, tels que l’interdiction de la torture, ne peuvent être suspendus en aucune circonstance », argue Amnesty International.
« Donner toute latitude aux organes chargés de la sécurité pour se comporter comme s’ils étaient au-dessus des lois ne permettra pas de garantir la sécurité », renchérit sa directrice des recherches pour l’Afrique du nord, Heba Morayef.
La Tunisie priée de revoir sa législation
Au terme d’une mission ce mois-ci en Tunisie, le rapporteur de l’ONU sur les droits de l’Homme et la lutte antiterroriste, Ben Emmerson, s’est dit « préoccupé » par les conditions de détention. Il a également indiqué avoir recommandé une plus grande « vigilance » vis-à-vis de possibles cas « de torture ».
Dans un récent rapport, un réseau d’ONG a pour sa part exhorté Tunis à revoir sa loi antiterroriste adoptée à l’été 2015.
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