« Fight Ebola », le virus star du petit écran

L’audiovisuel vient au secours de la santé, avec « Fight Ebola », la première chaîne de télévision entièrement dédiée à la fièvre hémorragique. Comment retenir une audience avec un sujet aussi rabat-joie ?

L’oeil de Glez. © Damien Glez

L’oeil de Glez. © Damien Glez

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Publié le 13 novembre 2014 Lecture : 3 minutes.

Le téléspectateur vautré dans un nuage de pop-corn ne trouve pas toujours ragoûtantes les émissions télévisuelles sur la santé. Pourtant, à l’heure de l’extrême spécialisation des chaînes, à la faveur des modes de diffusion, tout sujet semble susceptible de trouver son public. Après les canaux 100% météorologie ou 100% tuning, voici venue la chaîne de télé entièrement dédiée à la fièvre hémorragique. Il faut reconnaître qu’Ebola connaît une notoriété sans frontières, depuis que les chaînes d’information en continu déroulent la dramaturgie des contaminations à l’international.

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L’opérateur de satellites luxembourgeois SES a décidé de passer la vitesse supérieure en annonçant, ce 10 novembre, le lancement de la chaîne "Fight Ebola" ; au moment même où l’Organisation mondiale de la santé évoquait le cap très prochain des 5 000 victimes du virus, dans huit pays…
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Cible de ce nouveau canal ? La population africaine pour qui la réception de "Fight Ebola" est gratuite, même si SES n’a pas obtenu de subvention. Ligne éditoriale ? La sensibilisation aux méfaits du virus et à la manière d’y échapper, l’objectif affiché étant de "mieux éduquer la population". Audience potentielle ? 20 millions de personnes susceptibles de capter la chaîne sur le continent africain, via deux satellites. Langue ? Pour l’instant, exclusivement l’anglais et, bientôt, le français. Il restait à identifier les programmes de ce canal qui entend émettre en continu.

20 millions de personnes sont susceptibles de capter la chaîne sur le continent africain.

Gratuité pour gratuité, la grille de cette "télébola" est alimentée par des éléments prêtés gratuitement par des institutions comme l’Unicef ou Médecins sans frontières, mais également par des supports médiatiques partenaires. À l’heure d’une concurrence télévisuelle que les limites objectives du zapping rendent débridée, la profusion des programmes ne garantit plus l’audimat. Qui restera une heure devant des exposés sanitaires soporifiques, alors que la toute nouvelle chaîne A+ déverse les "vieilles" sitcoms africaines qui détendent les Subsahariens depuis le début des années 90. De même que les chaînes de cuisine sont obligées de faire des clins d’œil aux secteurs des voyages ou des concessions à la fièvre "people", "Fight Ebola" devra varier ses programmes pour retenir l’attention.

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Le responsable de la grille a-t-il déjà pensé aux concepts d’émissions plus ou moins loufoques qui suivent ?

1 – La playlist musicale est déjà garantie, grâce aux contributions caritatives de kyrielles de stars. "Aie confiance au docteur" n’est pas le nouveau rap langoureux de Doc Gynéco, mais le refrain d’une chanson qui réunit, autour de Tiken Jah Fakoly, Salif Keïta, Amadou et Mariam, Mory Kanté ou encore Didier Awadi. On se souvient des vocalises pionnières de l’ancien footballeur libérien George Weah, du rappeur guinéen Ablaye M’baye, du chanteur ivoirien DJ Lewis ou du collectif sénégalais “Y’en a marre”. L’Irlandais Bob Geldof – plus célèbre pour ses œuvres de charité que pour son œuvre musicale – est en train de ressusciter le titre "Do they know it’s Christmas ?" des années 80. Grâce à la prochaine version française, "Fight Ebola" pourra même diffuser du Daft Punk et du Johnny Hallyday. Pourvu que l’idole des ex-jeunes n’interprète pas "Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir".

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2 – Les catalogues de documentaires sur le sujet, censément fournis, poseront essentiellement la question épineuse de la sélection des films.

3 – Des jeux "Ebola" pourraient amener un candidat fiévreux à activer un buzzer dans l’espoir d’obtenir un vaccin expérimental en plus d’un dictionnaire médical.

4 – Des fictions "Ebola" pourraient être puisées dans la liste des films catastrophistes comme "Outbreak" de Wolfgang Petersen ou "Ebola Syndrome" d’Herman Yau.

5 – Des recettes de cuisine spéciale “Ebola” pourraient infirmer ou confirmer l’influence positive ou négative de tel ou tel aliment sur la propagation de la maladie.

6 – Quelques messages animés de sensibilisation feront office d’émissions "jeunesse".

7 – Des documentaires sur les mœurs des chauves-souris contaminatrices serviront de programmes animaliers.

8 – Des vidéos de citoyens détalant devant des personnes infectées tiendront lieu d’émissions sportives.

9 – Les représentants des différentes confessions religieuses pourront venir prier à l’envi pour l’éradication d’Ebola.

10 – Le reste des plages horaires intéressera sans doute tel ou tel laboratoire pharmaceutique en mal de messages publicitaires…

Pourvu qu’on n’aille pas jusqu’à des émissions de téléréalité dans un centre médical en quarantaine…

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Par Damien Glez

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