Mode : mannequins albinos, de l’ombre à la lumière
Souvent persécutés et ostracisés sur le continent, notamment en Afrique de l’Est, les albinos ne bénéficient pas d’une situation enviable. Mais certains d’entre eux sont devenus des icônes de la mode. Et dénoncent les crimes et les mauvais traitements commis envers leurs semblables.
Début octobre, la marque française de cosmétique Vichy dévoilait l’ambassadrice de sa nouvelle gamme de produits solaires : la mannequin sud-africaine Thando Hopa. Habituée des podiums, la jeune femme à la peau diaphane souffre d’albinisme, une particularité génétique héréditaire qui se caractérise par un déficit de production de mélanine, le pigment responsable de la coloration de la peau. Depuis quelques années, les tops albinos multiplient les apparitions sur les podiums et dans les clips musicaux, à l’image de Shaun Ross et de Diandra Forrest, ancienne égérie de Vivienne Westwood. De leur singularité, ils ont fait un atout.
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“Quand j’ai été approché pour faire du mannequinat, je n’y croyais pas, explique Shaun Ross, 23 ans, lors d’une conférence TED organisée à Londres en avril 2014. D’après moi, la façon dont la société me voyait était complètement erronée. Je n’étais pas acceptable, je n’étais pas beau.” De “vilain petit canard” moqué par ses camarades de classe du Bronx (États-Unis), il est finalement devenu la coqueluche des plus grands créateurs de mode.
Miss Albinos Côte d’Ivoire
Mais sur le continent, la réalité de l’albinisme est bien loin de l’univers du strass et des paillettes. En Afrique de l’Est, notamment, les albinos sont la cible des pires abus. Accusés de sorcellerie, ils sont encore aujourd’hui rejetés, persécutés ou victimes de meurtres rituels… Comme en Tanzanie, où au moins 70 personnes souffrant d’albinisme ont été tuées depuis 2000.
Pour ces célébrités à la beauté livide, le mannequinat est devenu un tremplin pour dénoncer la stigmatisation de leurs semblables. Dans une interview à la BBC en octobre 2012, la mannequin sud-africaine Diandra Forrest affirmait vouloir changer le regard que les Africains portent sur sa communauté. En avril 2014, Shaun Ross a lancé la plateforme “In my skin I win” afin de remettre en question les canons contemporains de la beauté et de redonner confiance à celles et ceux qui lui ressemblent. “Je veux apprendre aux gens à se sentir à l’aise avec les personnes qu’ils sont, pour qu’ils s’aiment à 100%, peu importe qu’ils soient noirs, blancs, homo, hétéro, gros, maigres, grands”, confie-t-il. “La beauté des albinos a longtemps été négligée à cause du rejet social”, explique Coulibaly Mamidou, le président de l’ONG Beda-CI (Bien-être des Albinos de Côte d’Ivoire) qui veut organiser prochainement un concours de miss Albinos en Côte d’Ivoire pour “extirper de la tête des populations les idées rétrogrades véhiculées sur l’albinisme”.
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Engagement pour une beauté différente pour certains, coup marketing pour d’autres, les créateurs vont au-delà d’un choix simplement esthétique en braquant les projecteurs sur les albinos. “Nous ne pouvons ni rester calmes, ni rester cachés, déclare Nomasonto Mazibuki de la Société de défense des albinos en Afrique du Sud, interrogée par la BBC. N’importe quelle fille souffrant d’albinisme qui défile sur un podium ou, même, qui a la tête haute lorsqu’elle marche dans la rue, est un modèle pour nous.”
« Sous-hommes »
“Les albinos sont considérés comme des sous-hommes, comme l’incarnation du diable, a confié à la BBC Peter Ash, le fondateur de l’ONG Under The Same Sun (Sous le même soleil) et auteur d’un rapport des Nations unies sur l’albinisme. Il est donc indispensable que les Africains commencent à voir ces mannequins comme des exemples afin de changer les mentalités.”
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Emeline Wuilbercq
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