Développement : very B.A.D. trip

La Banque africaine de développement publie un nouveau rapport sur l’économie du continent. Au menu : une kyrielle de bonnes nouvelles théoriques étouffées par un constat déprimant…

L’œil de Glez. © Glez / J.A.

L’œil de Glez. © Glez / J.A.

 © GLEZ

Publié le 14 février 2017 Lecture : 2 minutes.

Qui n’est pas tenté de fuir, comme la peste, les statistiques sur l’Afrique ? Pas parce qu’elles promettent systématiquement la Géhenne – certaines affichent un afro-optimisme à toutes épreuves. Ni parce qu’elles garantissent le Nirvâna – certaines creusent inlassablement le sillon de l’afro-pessimisme. Si les chiffres sur le continent lassent, c’est qu’ils prennent souvent la forme d’abstractions technocratiques largement déconnectées de la réalité du terrain…

Les oreilles se tendent pourtant, dans un dernier sursaut de bienveillance, lorsque les données des experts se présentent moins comme des jauges macroéconomiques que comme des baromètres du développement humain. En collaboration avec l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), la Banque africaine de développement (BAD) vient de présenter l’édition 2016 du rapport « Perspectives économiques en Afrique ». Et comme le XXIe siècle est celui de la punchline et de la citation volontiers tronquée, les observateurs médiatiques retiennent essentiellement cette constatation des plus déprimantes : « trois Africains sur quatre vivent dans des conditions déplorables ».

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Situation paradoxale

Pourtant, que ceux qui ne se sont pas encore pendus explorent davantage le rapport. Ils y trouveront un chapelet de constats enthousiasmants : « les performances économiques de l’Afrique sont restées solides en 2015 », avec « une croissance du PIB meilleure que la moyenne mondiale et la zone euro », croissance dont la rapidité de progression place le continent noir à « la deuxième place dans le monde, derrière l’Asie de l’Est ». À moyen terme, déjà dotée de l’atout de la jeunesse de sa population, l’Afrique devrait bénéficier des deux nouvelles sources de croissance que sont « la poursuite de l’amélioration de l’environnement des affaires et l’expansion rapide des marchés régionaux ».

C’est un être humain sur cinq, à l’échelle mondiale, qui est dans la situation de ces trois Africains sur quatre

Disqualifier le terme « déplorables » permettrait de balayer la donnée déprimante pour ne se gargariser qu’avec les bons chiffres. Mais le rapport précise que, tout vocabulaire étant égal par ailleurs, c’est un être humain sur cinq, à l’échelle mondiale, qui est dans la situation de ces trois Africains sur quatre. Les statisticiens n’engendrant pas les environnements qu’ils évaluent, il convient de se tourner vers les pouvoirs politiciens qui constitueraient bien le bug entre la macroéconomie ensorcelante et le quotidien affligeant.

À quand les réformes structurelles et réglementaires ? À quand les politiques publiques susceptibles de rendre la croissance économique inclusive ? À quand les bons choix en matière d’approvisionnement énergétique, de secteurs sociaux ou de transformation économique ?

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Même si la BAD ne l’a pas précisé, il y a fort à parier que trois politiciens africains sur quatre ne vivent pas dans des conditions déplorables. Même s’il est vrai que les clichés sur la classe politique ne sont guère plus utiles que les stéréotypes afro-optimistes…

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