Moi, Eudoxie, malade de la drépanocytose au Burkina Faso

C’est en Afrique que le nombre de malade de la drépanocytose est le plus élevé. 200 000 nouveaux cas sont détectés chaque année en Afrique subsaharienne. Pourtant, cette maladie génétique reste un sujet tabou sur le continent, comme le montre le témoignage d’Eudoxie, une drépanocytaire Burkinabè.

Dans un hôpital de Ouagadougou, au Burkina Faso, en novembre 2016. © Sophie Garcia/AP/SIPA

Dans un hôpital de Ouagadougou, au Burkina Faso, en novembre 2016. © Sophie Garcia/AP/SIPA

Aïssatou Diallo.

Publié le 21 février 2017 Lecture : 2 minutes.

« Je passais mon temps à l’hôpital. Un jour, un infirmier m’a même prescrit un tranquillisant, il pensait que j’étais folle. Au moins, ça m’a permis de ne plus ressentir la douleur.

Et puis un médecin m’a demandé de faire une électrophorèse. J’étais en première année à l’université, je venais de m’installer à Ouagadougou pour des études de linguistique. J’avais tout le temps des migraines et cela m’empêchait de rester en classe l’après midi ou de réviser mes cours.

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C’est là que j’ai découvert que j’étais drépanocytaire. J’étais porteuse d’hémoglobine AS (l’hémoglobine est l’un des constituants des globules rouges ; chez un drépanocytaire, ces globules ont la forme d’une faucille, sickle en anglais. La première lettre de ce mot est utilisée pour différencier l’hémoglobine anormal de l’hémoglobine sain, dit A, ndlr ). Tout s’expliquait, et mes soins ont pu être orientés. Ma mère aussi était AS. On n’en avait jamais parlé avant. Mais ma famille savait comment me soutenir.

Le fait de suivre un traitement m’a permis de me sentir mieux.

Le fait de suivre un traitement m’a permis de me sentir mieux. Aujourd’hui, je mange équilibré et je fais de la marche deux fois par semaine. Parfois encore, alors que j’ai maintenant cinquante ans, quand il fait chaud, j’ai des migraines. Et lorsqu’il fait froid, j’ai très mal aux os. Une douleur inimaginable. Mais je mène une vie normale, sans être dépendante aux médicaments.

Le problème est qu’au Burkina, on ne pense pas systématiquement à faire une électrophorèse lorsque quelqu’un souffre et qu’on arrive pas à en détecter la cause. Pourtant, de nombreuses personnes sont drépanocytaires.

J’ai conseillé à ma cousine de faire un bilan sanguin. Pour elle, c’était comme une insulte.

Ma cousine par exemple a perdu deux enfants très jeunes. Je lui ai conseillé de faire un bilan sanguin. Pour elle, c’était comme une insulte. Elle m’a répondu que son sang n’avait aucun problème. Elle préférait penser que sa co-épouse avait jeté un sort à sa progéniture. Quand son mari et elle ont finalement fait le test sur conseils d’un médecin, ils se sont rendus compte qu’il était AC et elle AS.

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Les gens ne savent pas vraiment ce qu’est la drépanocytose. Il y a toujours un regard étrange qu’on porte sur les malades. Comme si nous étions condamnés. Lorsque j’ai commencé à travailler dans le bureau d’études où je suis, mes collègues se disaient que je n’allais pas tenir. Cela fait 11 ans maintenant. »

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