Air Morocco One
Ceux qui pensaient que, une fois réintégrée au sein des instances panafricaines, la diplomatie marocaine allait se rendormir sur le hamac de ses certitudes en sont pour leurs frais.
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 20 février 2017 Lecture : 2 minutes.
À peine revenu d’Addis-Abeba, voici le roi rembarqué, le 16 février, pour une énième tournée subsaharienne en cinq étapes, histoire d’enfoncer un peu plus un triple clou : 1) L’avenir du Maroc est au sud. 2) Le royaume n’entend pas se satisfaire longtemps d’un statu quo qui le contraint à siéger aux côtés de cette aberration qu’est à ses yeux la République sahraouie. 3) Contrairement au voisin algérien, par rapport à qui l’essentiel se définit (et réciproquement) en matière de politique africaine, démontrer à nouveau par le mouvement perpétuel la différence entre un souverain mobile de 53 ans et un président immobile de 80 ans.
Mais il est un autre contraste que l’activisme de ce roi globe-trotteur, inlassable VRP de son propre pays, « inaugurator » compulsif et amateur épatant de selfies viraux, met chaque jour en lumière : autant M6 bouge et mouille la djellaba, autant la classe politique marocaine semble tétanisée par ses querelles d’ego incestueuses, inconsciente du triste spectacle qu’elle offre aux citoyens. Cinq mois ou presque après les législatives, le Premier ministre Abdelilah Benkirane est toujours dans l’incapacité de former un gouvernement.
La comédie a commencé par passionner, puis par agacer. Aujourd’hui, elle n’intéresse plus personne et les tractations ponctuées de bouderies et de coups de gueule se poursuivent dans l’indifférence quasi générale. Après tout, à l’image du Boeing royal filant vers le Grand Sud à son altitude de croisière, le Maroc est suffisamment structuré pour voler en pilotage gouvernemental automatique. Après tout, les pluies sont au rendez-vous, l’année agricole a été bonne, et les Lions de l’Atlas se sont qualifiés pour les quarts de finale de la CAN pour la première fois depuis des lustres… Là où son père aurait depuis longtemps tapé du poing sur la table, Mohammed VI laisse donc se dérouler le jeu partisan : qui pourrait le lui reprocher ?
Reste que cette mauvaise pièce se déroule devant une salle aux trois-quarts vide : les spectateurs sont partis vaquer à leurs occupations et les acteurs jouent pour eux-mêmes. Quand on connaît la faiblesse traditionnelle du taux de participation aux élections marocaines, le discrédit dont souffrent les leaders de partis a de quoi inquiéter. Certes, le roi est populaire, y compris dans les régions hier encore terres de siba (« dissidence ») comme le Rif. Il l’est même de plus en plus, au fur et à mesure que croît le syndrome d’allergie à l’encontre des politiciens et des ministres. Mais à ce rythme, entre le peuple et son monarque – et au corps défendant de ce dernier –, il n’y aura bientôt plus rien. Pour l’expérience démocratique qu’entend mener à bien le fils de Hassan II, ce ne serait pas une bonne nouvelle.
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