Quel avenir pour la Centrafrique ?
Le risque d’un scénario à la somalienne, évoqué dès 2013, n’est toujours pas écarté.
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Didier Niewiadowski
Didier Niewiadowski est un Juriste français. Il a été en service durant 38 ans au ministère de la Coopération et à celui des Affaires étrangères.
Publié le 20 février 2017 Lecture : 3 minutes.
Certes, Bangui n’est pas Mogadiscio. Les bandes armées de l’ex-Séléka ne sont pas comparables aux milices shebabs et les razzieurs centrafricains ne sont pas des jihadistes. De nombreux faits montrent néanmoins que les fonctions régaliennes disparaissent inexorablement sur une grande partie du territoire.
Il est aujourd’hui admis que près de 60% du territoire national soit sous le contrôle de bandes armées qui prélèvent l’impôt, contrôlent les voies de communication et rackettent la transhumance du bétail. Les appels au secours des religieux et de quelques rares députés restent sans écho. La partie orientale du pays, de plus en plus tournée vers le Darfour (Soudan) et le Bahr el-Ghazal (Soudan du sud), se détache progressivement d’un pays dont l’existence en tant qu’État unitaire est en question.
Va-t-on vers un scénario à la Puntland, ou à la Somaliland ?
L’actuelle « cogestion » du pays peut très bien se transformer en plusieurs entités politico-administratives, comme ce fut le cas dans l’ex-Somalie. Va-t-on vers un scénario à la Puntland, c’est-à-dire vers le fédéralisme, ou plutôt vers un Somaliland, tourné radicalement vers un État indépendant ?
La quasi-totalité des Centrafricains rejette avec force une telle perspective. La République centrafricaine peut rester un État unitaire, mais à la condition que de profonds changements soient apportés dans la gouvernance.
Des partenaires présents
Les partenaires techniques et financiers ont montré leur attachement à ce pays, notamment lors d’une récente table ronde à Bruxelles. Christine Lagarde a récemment confirmé les bonnes dispositions du FMI, mais elle a aussi rappelé les engagements de la partie centrafricaine qui tardent à se concrétiser.
Dans un contexte de sécurisation très difficile, on peut saluer le changement de stratégie de la Minusca, alliant désormais « négociation » et actions robustes, comme celles menées récemment au PK5 de Bangui ou dans la région d’Ippy.
On doit aussi se féliciter de la plus grande implication de l’Union africaine, avec le Tchadien Moussa Faki Mahamat à la présidence de la Commission. Autre bonne nouvelle, le nouveau secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, grâce à son expérience au HCR, connaît bien toutes les données de la crise centrafricaine.
Ces partenaires doivent être les garants de la réussite du prochain DDRR (désarmement, démobilisation, réintégration et rapatriement), lequel devra éviter les déboires du précédent (2010-2011), lorsque l’actuel chef de l’État était le premier ministre du Président Bozizé.
L’indispensable évolution de la gouvernance
Aucune amélioration n’est toutefois possible sans une meilleure gouvernance et une volonté de changement des mauvaises pratiques. Il paraît opportun de réfléchir à une nouvelle dévolution des pouvoirs politico-administratifs.
L’actuelle Constitution, adoptée par référendum sous la transition de Catherine Samba-Panza, ne répond pas aux problèmes de la crise centrafricaine. Un Sénat, un Conseil économique et social et un Haut Conseil à la bonne gouvernance sont-ils vraiment indispensables actuellement ? Comment financer de telles structures alors que le déficit budgétaire est déjà hors normes ?
La Cour des comptes demeure une coquille vide.
En revanche, les financements dévolus à la Justice sont très insuffisants, ce qui permet une large impunité, moteur de la destruction de la cohésion nationale. La Cour des comptes demeure une coquille vide, tandis que la Cour pénale spéciale, créée le 3 juin 2015, ne sera pas opérationnelle avant de nombreux mois, étant donné que seule la nomination du Procureur général vient d’être officialisée.
Une profonde révision constitutionnelle pourrait notamment intégrer une véritable décentralisation administrative, abolir l’hyper-concentration du pouvoir à Bangui, réguler les attributions de compétences et supprimer les structures inappropriées.
Une véritable « rupture avec le passé » serait à ce prix, mais les autorités centrafricaines sont-elles vraiment disposées à rompre avec le passé ?
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