Burkina : Compaoré bashing et washing

Presque dépêtrés de l’écheveau politico-militaire, les Burkinabè tirent à boulets rouges sur l’ambulance des Compaoré frère & frère. François menace les médias internationaux et Blaise se passe lui-même de la pommade sur les réseaux sociaux…

L’oeil de Glez. © Glez

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Publié le 6 novembre 2014 Lecture : 3 minutes.

La chute du régime burkinabè est d’abord la déchéance d’une famille : l’ex-président du Faso Blaise Compaoré, l’exubérante ex-première dame Chantal, le frère "petit président" François, la "belle-mère nationale" Alizeta Ouédraogo ou encore le beau-frère argentier Lucien Marie Noël Bembamba. En février dernier, le maire de la ville de Bobo-Dioulasso ne déclarait-il pas "Si on veut, la fille de Blaise Compaoré sera Présidente du Faso" ? Mais voilà la statue bobolaise du "beau Blaise" déboulonnée et l’hôpital Blaise-Compaoré en voie de débaptisation…

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Comme on dit en Afrique de l’Ouest francophone, le nom de la famille qui régna pendant 27 ans "est gâté jusqu’à…". Il est connu que, partout dans le monde, on piétine volontiers ce qu’on a encensé. Et nul n’ignore qu’au Burkina, on cultive un goût immodéré pour les "affairages", ces commérages farcis aux potins. Dix jours avant la chute du régime, la rumeur n’annonçait-elle pas le décès de François Compaoré ?

Il est connu que, partout dans le monde, on piétine volontiers ce qu’on a encensé.

Après la destruction, en fin de semaine dernière, des domiciles des pontes du régime désormais ancien, il reste la guerre des mots, ce que les Ouagalais appellent la "malcause". Alors on casse l’image après la pierraille. Et la villa dont le pillage suscite le plus de commentaires est justement celle de François Compaoré, personnalité déjà impopulaire depuis l’assassinat de Norbert Zongo, le journaliste tué pour ses enquêtes sur la mort du chauffeur du frère présidentiel. Au bord du boulevard Charles-de-Gaulle, la résidence aux deux piscines, jadis abusivement sécurisée par le Régiment de sécurité présidentielle (RSP), est désormais ouverte aux quatre vents. Aux différents carrefours de Ouagadougou, on vend, à la criée, des photocopies de clichés qui auraient été pris dans le domicile saccagé…

Et voilà qu’on surfe à nouveau sur d’anciennes rumeurs faisant état de sacrifices d’albinos. Et voilà qu’on brandit les images d’un crâne humain qu’aucun officier assermenté n’a hélas pu constater formellement sur les lieux avant envahissement par la foule. Et voilà qu’on devine dans la tache murale d’un sous-sol une trace de sang. Et voilà qu’on interprète les photographies effectivement énigmatiques d’une femme penchée sur le corps d’un homme.

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Magie noire ? "Faux", rétorque, depuis le Bénin, un François Compaoré irrité par certains reportages de la chaîne France 24. Selon le frère de l’ancien président, les images qui circulent dans la capitale burkinabè auraient été "mésinterprétées et instrumentalisées". Elles ne seraient "rien d’autre que des œuvres de mise en scène d’art plastique" créées par la nièce de Blaise Compaoré, élève en classe de Première au Lycée Français Saint-Exupéry. Attention à l’art avant-gardiste : les profs de dessins devraient se limiter à la représentation des rosaces. Calomnié ou pas, le plus détesté des Burkinabè se réserve le droit d’ester en justice pour "diffamation et agression morale facilitées par les diffusions de France 24".

Le grand frère, lui, réfugié dans la Côte d’Ivoire de sa belle-famille, fait profil bas.

Le grand frère, lui, réfugié dans la Côte d’Ivoire de sa belle-famille, fait profil bas. S’il n’est plus sourd aux revendications de son peuple, il n’est plus muet non plus, composant, sur les réseaux sociaux, un personnage semblable à un prophète nazaréen qui, même sacrifié sur la croix, pardonne les offenses de ses traîtres. Selon l’ancien président, il n’aurait pas quitté le pouvoir comme un fugitif défenestré, mais par un choix délibéré destiné à préserver "l’intérêt supérieur du Burkina qui passe au-dessus de tout", refusant "de voir couler le sang des filles et fils du Burkina Faso". Lyrique, Blaise Compaoré se dit prêt à assumer le rôle de "l’agneau du sacrifice", pourvu que ses compatriotes soient "unis, même contre" lui. Sur Twitter, acceptant "toutes les vexations qui paraîtront nécessaires" – mais rappelant au passage qu’il était un "Président démocratiquement élu, légal et légitime"-, il "pardonne" à ceux qui l’ont trahi. "Ils ne savent pas ce qu’ils font", aurait dit Jésus…

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Entre un François grognon et un Blaise conciliant, certains Burkinabè dont le patronyme est "Compaoré" précise, non sans humour, que leur nom de famille à eux commence en fait par un "K". "Qui est fou ?", dit-on au Faso nouveau…

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