RD Congo : le vuvuzélateur national et les « fake news »
Déni et théorie du complot sont-elles les deux mamelles de la communication gouvernementale congolaise ?
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 21 février 2017 Lecture : 2 minutes.
À l’heure ou Donald Trump théorise le concept de « fait alternatif » pour dénoncer ce qu’il appelle des « fake news », le locataire de la Maison Blanche est-il le seul champion de l’affabulation officielle ? Rien n’est moins sûr, car il en est au moins un qui semble l’avoir suivi sur cette voie : Lambert Mende Omalanga, indéboulonnable porte-parole du gouvernement congolais.
Si le vuvuzélateur national reste de marbre dans un régime de fer, sa langue est souvent de bois, et d’un bois manifestement aussi dur que le Guaiacum sanctum, cette matière aussi « auto-lubrifiante » que la rhétorique du porte-parole est bien huilée, lui qui assurait que « la présidentielle congolaise [pouvait] se tenir en 2016 ».
Mais constatant que ses sorties de route verbales ne l’ont pas encore précipité hors du goudron politique, Lambert Mende n’hésite plus à prendre les raccourcis les plus improbables, quitte à risquer le tête-à-queue. Le samedi 18 février, une vidéo de sept minutes, diffusée sur les réseaux sociaux, semble indiquer que des civils auraient été massacrés dans le Kasaï par des militaires en tenue parlant lingala et swahili. Noyant quelque peu le poisson, Lambert Mende admet d’abord que des « excès » ont pu être commis par les Forces armées de la RDC (FARDC), au cours de la répression, ces derniers mois, de la rébellion Kamwina Nsapu. Il assure même qu’un officier et un sous-officier en répondraient « d’ores et déjà devant la justice militaire ».
Disque rayé ?
Pour autant, en voulant voler au secours d’une armée trop souvent accusée d’exactions par le passé, Lambert Mende rétro-pédale et précise, lundi 20 février, que lesdites poursuites ne concernent pas des « crimes », mais de banales violations de consignes et de la triviale extorsion de biens. À propos du massacre qui aurait été filmé, il estime que la vidéo publiée sur le web est « vraisemblablement un montage réalisé […] par des pourfendeurs du gouvernement. En langage Trump, il s’agit donc d’un « fake ».
Alors qu’une France et des États-Unis manifestement très sceptiques réclament une enquête « en collaboration avec les organisations internationales chargées de veiller au respect des droits de l’Homme », le porte-parole du gouvernement congolais a voulu ressortir la sempiternelle rengaine du complot international. Mais le disque n’est-il pas trop rayé pour être audible ? Les Congolais jugeront.
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