Hervé Tcheumeleu, porte-parole de l’Afrique en Allemagne

Originaire du Cameroun et installé en Allemagne depuis treize ans, ce biochimiste reconverti dans le journalisme entend améliorer l’image de son continent.

Publié le 7 novembre 2014 Lecture : 4 minutes.

Tout sourire, Hervé Tcheumeleu nous accueille dans les locaux de son journal, Lo’Nam, « le lever du soleil », en langue bafang. L’endroit, modeste, n’a pas été choisi au hasard : il est situé dans le nord de Berlin, la capitale allemande, en plein coeur du quartier de Wedding, parfois surnommé « la petite Afrique » en raison de l’importante communauté africaine qui y réside.

Mais ses artères, qu’elles soient baptisées rue du Togo, du Cameroun ou du Congo, célèbrent surtout l’ancien empire colonial allemand, perdu à la fin de la Première Guerre mondiale. Tout un symbole pour qui s’intéresse à l’image de l’Allemagne sur le continent.

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Tcheumeleu, installé à Berlin depuis treize ans, est de ceux-là. « Le regard des médias, dès lors qu’il s’agit de l’Afrique, est toujours négatif et traduit une grande méconnaissance », s’insurge ce natif de l’ouest du Cameroun. Et de citer pour preuve la récente réponse de la ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen, à une question que lui posait un journaliste sur la Centrafrique : « La situation en Afrique est préoccupante »… Difficile de faire plus vague !

Au travers d’initiatives lancées au fil des années, Tcheumeleu tente de donner une nouvelle vision de sa terre.

Alors, au travers d’initiatives lancées au fil des années, Tcheumeleu tente de donner une nouvelle vision de sa terre. C’est ainsi qu’il sort, en mars 2005, le premier numéro de son bimestriel, qui compte aujourd’hui environ 15 000 lecteurs, allemands et africains. Publiés en langue allemande, les articles évoquent la situation des pays du continent ou de la diaspora et sont rédigés par des journalistes en majorité africains.

Toujours avec cette même idée de redonner la parole au continent, il ouvre en août 2010, après cinq ans de réflexion, une bibliothèque également installée à Wedding. Le lieu, qui a bénéficié d’un financement de l’Union européenne, met à la disposition du grand public environ 3 000 ouvrages, journaux, CD et DVD d’auteurs africains.

Enfin, dernière pierre à l’édifice, il inaugure deux ans plus tard un festival, le Kenako Afrika Festival, qui se tient tous les mois de juin sur l’une des grandes places commerçantes de Berlin, l’Alexanderplatz. « L’idée est d’utiliser le caractère exotique de l’Afrique, que les gens recherchent via la musique, la nourriture ou la vente de produits artisanaux, pour les amener à participer à des discussions », soutient Tcheumeleu.

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En 2014, le festival, soutenu par le maire de Berlin, Klaus Wowereit, et par Karamba Diaby, premier député allemand d’origine sénégalaise, abordera des thèmes comme « Qui est responsable de l’image négative de l’Afrique dans les médias ? » ou encore « Migration et économie, qui en profite réellement ? ». Au final, « si on arrive à toucher une petite partie des passants, pour qu’ils aient une nouvelle vision de l’Afrique, ce sera gagné ! ».

Un brin indiscipliné et bagarreur dans sa jeunesse, Tcheumeleu n’aurait pas initialement pensé à s’engager dans une telle croisade. Bien loin de ses préoccupations actuelles, il a passé la première partie de sa vie à étudier la biochimie. « Déjà, au Cameroun, le journalisme était une vocation. J’écrivais des poèmes, je participais au journal du lycée. Mais mes parents étaient radicalement contre », explique-t-il, sans rancoeur. Il faut dire que dans les années 1990 le métier était risqué.

En 2001, après sa licence passée à Douala, Tcheumeleu décide de rejoindre son petit frère, parti tenter l’aventure en Europe deux ans auparavant.

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De fait, son père, agriculteur, destinait plutôt l’aîné de ses cinq enfants à une carrière dans les champs, l’agroalimentaire ou la pharmacie. En 2001, après sa licence passée à Douala, Tcheumeleu décide de rejoindre son petit frère, parti tenter l’aventure en Europe deux ans auparavant. Un véritable choc. « À l’époque, à l’est de Berlin, la ville était vide, se souvient-il. Tout ça manquait de couleurs, de gaieté, de vie ! Ce n’était pas l’image que j’en avais. De plus, les rues étaient mal entretenues, et je ne voyais pas beaucoup de différences avec Douala. Bien sûr, à l’ouest de la ville, c’était un peu différent. »

Dans cet univers inconnu, il s’accroche, prend des cours de langue, poursuit son cursus de biotechnologies. « Je rêvais de travailler dans un laboratoire, sur le virus du sida. Et, naturellement, de rentrer au pays. » Mais la rencontre avec sa future femme, une Allemande dont il est aujourd’hui divorcé, et la naissance de sa fille et de son fils bouleversent ce plan initial. C’est également à cette époque qu’il abandonne son cursus scientifique pour se consacrer entièrement au journalisme, loin du regard désapprobateur de ses parents. « Ce n’est qu’il y a deux ans, quand ils sont venus me voir en Allemagne, qu’ils ont finalement accepté mon métier », explique-t-il, avec de la fierté dans la voix.

Aujourd’hui remarié avec une Camerounaise, il envisagerait peut-être plus facilement de repartir au pays, lui qui, trop fier de ses origines, n’a jamais abandonné sa nationalité au profit d’un passeport allemand. Mais il n’est pas non plus facile d’abandonner son cheval de bataille. Une question de principe. « La manière dont nous autres, Africains, nous nous comportons a des conséquences sur l’image que nous renvoyons. Nous avons une responsabilité. C’est pourquoi, malgré les difficultés, je m’accroche à mes projets, car je ne veux pas que l’on dise un jour : « Ah, finalement l’Africain a échoué ! » ».

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