David Nabarro : « J’espère que l’épidémie d’Ebola disparaîtra en 2015 »

Sans détour, David Nabarro, l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies pour la lutte contre Ebola, répond à nos questions sur la propagation du virus en Afrique de l’Ouest et la coordination internationale. Interview.

David Nabarro, en 2007 © Fabrice Coffrini/AFP

David Nabarro, en 2007 © Fabrice Coffrini/AFP

Publié le 3 novembre 2014 Lecture : 3 minutes.

À Paris le 21 octobre pour une journée marathon au cours de laquelle il s’est notamment entretenu avec Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, David Nabarro, l’envoyé spécial de Ban Ki-moon, est anxieux. Ce médecin anglais nommé en septembre pour coordonner la riposte mondiale doit répondre à l’urgence : trouver les moyens de stopper une pandémie qui fait des milliers de morts et désamorcer la psychose. Entretien.

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Jeune Afrique : Qu’attendiez-vous de votre entretien avec Laurent Fabius ?

David Nabarro : J’ai eu trois réunions à Paris depuis que j’ai été nommé, et une autre en Guinée avec Annick Girardin, la secrétaire d’État au Développement et à la Francophonie. Ces rencontres ont trois objectifs : nous assurer que nous sommes sur la même ligne stratégique, connaître l’approche de la France en Guinée – où elle est en première ligne -, et souligner l’importance d’avoir un système fort pour soigner les travailleurs de santé internationaux. Par ailleurs, il faut que les services essentiels (sécurité alimentaire, réduction de la pauvreté, économie et stabilité politique) soient assurés.

Qu’en est-il sorti ?

Laurent Fabius a annoncé une augmentation de l’aide française à la Guinée, notamment à destination des centres de traitement, d’expertise, et de logistique. En outre, la France cherche des partenariats, et Cuba et la Chine se sont portées volontaires. Les équipes médicales cubaines vont prochainement travailler avec les Français en Guinée. Paris a également pris l’initiative, à Bruxelles, de mettre en place un système de rapatriement de personnels soignants internationaux qui pourraient être contaminés, et s’est également engagé à construire un centre de soins pour le personnel local contaminé.

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Où en est la mobilisation ?

L’argent arrive : Ban Ki-moon [le secrétaire général de l’ONU] m’a informé que la Chine avait débloqué des fonds. Mais il nous faut des moyens financiers supplémentaires et, surtout, des moyens humains. La question n’est pas de savoir si Ebola quittera le continent africain, mais quand.

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Le processus a été lancé en mars, nous sommes déjà fin octobre…

Chaque réunion est une réunion de trop, mais le système est ainsi fait. Nous nous efforçons de conclure chacune d’elles sur une décision. Début août, nous avions 300 lits, en septembre, 600, mi-octobre, plus de 1 000. Mi-novembre, si tout va bien, nous compterons 3 500 lits. Cela reste insuffisant, car l’épidémie progresse. Et c’est une sensation terrible. On a le sentiment d’être toujours derrière l’épidémie. J’ai très peur pour Freetown et Monrovia : il nous faut 57 centres de traitement d’ici à décembre. Il en manque encore 25. Même chose pour le personnel médical : il manque entre 25 et 30 équipes…

Pouvez-vous nous éclairer sur les chiffres annoncés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui parle notamment de 10 000 nouveaux cas par semaine à partir de décembre ?

Ce chiffre a été utilisé à des fins de planification, ce n’est pas une projection. Il nous est difficile de savoir si l’épidémie augmente ou si elle stagne. Je n’ai pas d’estimation, mais j’espère qu’elle diminuera d’ici à janvier, pour disparaître en 2015.

Comment prévenir l’arrivée de l’épidémie dans les pays frontaliers des États touchés ?

Il est crucial que les États fassent montre d’un vrai leadership politique. Cela a été le cas au Sénégal et au Nigeria. Dans le premier, Macky Sall et Awa Marie Coll-Seck, la ministre de la Santé, ont impliqué tout le gouvernement. Aujourd’hui, le pays reste épargné, même s’il doit bien sûr demeurer vigilant. Au Nigeria, Goodluck Jonathan exerce un leadership très fort, à tel point qu’il a pu travailler de concert avec des gouverneurs qui sont pourtant ses opposants. Et les résultats sont là : ils ont utilisé la technique employée pour la polio, ont reçu un bon appui de l’OMS, travaillé avec les Églises, la jeunesse, ont fait campagne avec des SMS… et il n’y a plus de cas désormais. La synergie politique est payante. Au Mali, la récente contamination ne nous a malheureusement pas surpris. Nous nous attendions à ce qu’il y ait des cas, nous travaillions déjà avec le gouvernement, ce qui nous a permis de réagir rapidement. Nous contrôlons au maximum, mais ne pouvons encore rien prévoir.

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Propos recueillis par Dorothée Thiénot

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