« Le test du biscuit »

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  • Béchir Ben Yahmed

    Béchir Ben Yahmed a fondé Jeune Afrique le 17 octobre 1960 à Tunis. Il fut président-directeur général du groupe Jeune Afrique jusqu’à son décès, le 3 mai 2021.

Publié le 3 novembre 2014 Lecture : 4 minutes.

Comme beaucoup d’entre vous le savent, Jeune Afrique a vu le jour le 17 octobre 1960 et vient donc d’entrer dans sa cinquante-cinquième année. Il se trouve qu’au moment où nous lancions Jeune Afrique, un jeune professeur de psychologie américain de l’université de Stanford, Walter Mischel, expérimentait dans la "salle des surprises" de cette université un test qui allait faire parler de lui tout au long des dernières décennies.

À 84 ans, Walter Mischel est arrivé aujourd’hui au terme d’une très belle carrière de chercheur. Auteur de livres qui ont rencontré un grand succès, il vient de publier, aux États-Unis et au Royaume-Uni, un dernier ouvrage où il relate les circonstances, les péripéties – et les suites à ce jour – de son fameux test.

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Le livre s’intitule : Le Test marshmallow. Pour comprendre le self-control et comment le maîtriser.

Le marshmallow est un petit cube de guimauve dont raffolaient à cette époque les jeunes Américains et qui a été utilisé pour le test. Mais on peut aussi se servir, selon le pays et le goût des enfants, d’un chocolat ou d’un biscuit, et il convient de donner à l’épreuve un nom plus universel : appelons-la le test du biscuit.

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Le livre traite en réalité de la psychologie des êtres humains et analyse leur comportement face à la tentation, quels que soient leur âge, leur sexe et la couleur de leur peau.

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Le contrôle et la maîtrise de soi sont-ils, comme on a tendance à le penser, héréditaires, transmis aux enfants génétiquement par leurs parents ? Ou bien sont-ils susceptibles de s’acquérir et d’être développés ?

Magistralement traité par Walter Mischel dans son livre, le sujet a retenu mon attention et je pense qu’il vous intéressera tout autant.

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Je vous propose donc de laisser de côté la politique, ceux qui la font vivre et en vivent, pour nous consacrer, cette semaine, à ce contrôle de soi que nous maîtrisons à des degrés divers.

Ne nous a-t-on pas appris qu’Adam et Ève ont été chassés du paradis parce qu’ils n’ont pas résisté à la tentation du "fruit défendu" ?

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Le test inventé par Walter Mischel au début des années 1960 et auquel il a soumis des jeunes Américains âgés de 4 et 5 ans se déroule comme suit.

Les enfants dont on teste le degré de résistance à la tentation sont placés dans une salle de la nurserie de l’université. Chacun est assis à une petite table : devant lui, à ­portée de main, un de ces cubes de guimauve tant convoités.

Une personne en qui il a entière confiance explique à chaque gamin qu’il peut manger la guimauve rapidement, dès qu’elle aura quitté la salle et fermé la porte. Mais que s’il résiste à la tentation vingt minutes au maximum et appuie au terme du temps imparti sur la sonnette qu’elle lui remet, elle reviendra immédiatement et lui en donnera deux, qu’il pourra aussitôt manger.

On a pu ainsi observer ceux qui cèdent vite à la tentation, ceux qui résistent un peu, moyennement ou beaucoup, et ceux qui passent avec succès le test des vingt minutes et gagnent ainsi le droit d’en manger deux.

L’âge des enfants, la durée de l’épreuve et ses conditions générales ont été fixés par Walter Mischel et ses assistants. Ils ont testé en tout près de 550 enfants.

Ces chercheurs ont suivi ensuite, décennie après décennie, l’évolution des enfants testés, ont noté comment ils se sont comportés dans la vie et ont affronté ses épreuves.

Et c’est l’ensemble de leurs conclusions qui sont présentées et analysées dans le livre que publie Walter Mischel. Il vous intéressera, je pense, d’en avoir une synthèse. La voici :

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Les décisions des êtres humains sont complexes et obéissent à des motivations multiples ; le conscient et l’inconscient comptent et interviennent l’un et l’autre.

Les enfants qui ont fait preuve de self-control, ont su attendre et ainsi mériter le deuxième biscuit, ont par la suite mieux réussi dans leurs études comme dans la vie. Ils ont maîtrisé leur poids, équilibré leur comportement psychologique, résisté à l’alcool et à la drogue, et poursuivi leurs objectifs avec plus de constance. La maîtrise de soi ne garantit à celui ou à celle qui en fait preuve ni le succès ni un avenir prospère. Mais elle l’aide à prendre des décisions difficiles et à fournir un effort soutenu pour atteindre ses objectifs.

On pouvait s’attendre à ce constat, mais il a été dressé sur une longue durée et sur un nombre de sujets suffisamment important pour servir de fondement à une loi psychologique.

Qui a mené à la constatation que le cerveau humain se compose de deux parties : la chaude, presque animale, où l’instinct, l’émotion et le court terme prévalent, et la froide, où dominent la maîtrise de soi et le moyen ou long terme.

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Mais la découverte la plus importante qu’a faite Walter Mischel au cours de son demi-siècle de recherche est ce qu’il appelle la plasticité du cerveau humain. Elle est dans la conclusion du livre et je la fais mienne : "Certains d’entre nous sont dès leur jeune âge plus doués que d’autres pour le contrôle de soi. Mais tout le monde ou presque peut parvenir à s’en doter…"

"La nature humaine est plus souple, malléable, ouverte au changement et au progrès que nous ne le pensions il y a un siècle… Nous ne sommes pas déterminés à la naissance, nous avons le choix et, par conséquent, une responsabilité. Je pense donc que je peux changer ce que je suis. Lorsque je change ma manière de penser, je change ce que je sens et deviens un autre… Si vous le voulez, vous pouvez changer votre vie."

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