En guinée, les perfusions d’investissements sont toujours indispensables

En pleine convalescence après l’épidémie d’Ebola et la chute des cours des matières premières, la Guinée commence à afficher des résultats positifs.

La Plaza Diamond dans le quartier de Kipe, à Conakry, en 2015. © Youri Lenquette pour JA

La Plaza Diamond dans le quartier de Kipe, à Conakry, en 2015. © Youri Lenquette pour JA

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 8 mars 2017 Lecture : 3 minutes.

Gare routière de Conakry. Vue du marché de Madina de Conakry, le 10 décembre 2012. © Sylvain Cherkaoui/JA
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La Guinée reprend des couleurs

Malgré l’épidémie d’Ebola et la chute des prix des matières premières, la Guinée semble surmonter les difficultés. Sa croissance est en hausse mais les enjeux sociaux sont toujours sur la table des priorités.

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Le Fonds monétaire international (FMI) lui prédisait une croissance de 4 % pour 2016 ; il semblerait que celle-ci ait atteint 5,2 %. L’inflation annuelle se situerait aujourd’hui entre 8 % et 9 %, contre 21 % en 2011. Les réserves de la Banque centrale, qui étaient tombées à moins d’un mois d’importations, se sont regonflées à environ trois mois. Les taxes et les impôts rentrent un peu mieux grâce aux télécoms et aux mines. Le déficit budgétaire semble contenu.

Mieux, la conjoncture mondiale frémit. Le prix du minerai de fer a doublé en un an, ce qui a renforcé l’appétit des Chinois pour le gisement, ô combien conflictuel, de Simandou, qu’ils sont en passe d’exploiter seuls. La bauxite comme l’or ont repris du poil de la bête. Du coup, l’usine d’alumine de Fria renaît de ses cendres avec le concours des Russes ; les orpailleurs cherchent frénétiquement des pépites, au risque d’affrontements locaux ; les sociétés internationales candidates pour creuser le sol guinéen se font beaucoup plus nombreuses.

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Après la mise en service du barrage de Kaleta, en 2015, ceux de Souapiti, de Komodou et de Koukoutamba se profilent à l’horizon, ce qui permet de légitimer l’augmentation des tarifs de l’électricité. Et, comme le souligne Bakary Traoré, économiste au bureau Afrique du Centre de développement de l’OCDE, « grâce aux Objectifs du millénaire pour le développement, qui ont mobilisé les bailleurs de fonds internationaux, le taux d’achèvement du cycle scolaire en primaire est passé de 59,5 % en 2000 à 82,9 % en 2014, et l’accès à l’eau potable profite désormais à 93 % de la population ». Des acquis précieux pour préparer le futur.

Trois obstacles

Restent trois obstacles, qui brident la croissance guinéenne. Le premier est l’état catastrophique du réseau routier. « Sur 7 000 km de routes nationales, 2 400 seulement sont goudronnés et accessibles par tout temps, ce qui crée de graves goulots d’étranglement dans un pays où 44 % des échanges s’effectuent avec les pays voisins », explique Bakary Traoré. Le deuxième obstacle est l’électricité : 46 % de la population n’y a pas accès, et, malgré des améliorations récentes, ceux qui en profitent subissent délestages et baisses de tension. Le troisième obstacle tient au manque de moyens financiers pour faire face aux innombrables défis que doit relever la Guinée.

« Ce pays est confronté à des déficits jumeaux, analyse Bakary Traoré. Son déficit budgétaire [en passe d’être résorbé] et le déficit de son compte courant, qui s’élève à 29 % du PIB. C’est l’un des plus élevés d’Afrique avec ceux du Mozambique et du Liberia, ou celui de la Libye en guerre. La Guinée a du mal à mobiliser les ressources nationales et, de ce fait, doit compter sur des financements extérieurs dans une proportion énorme pour exploiter ses incontestables potentiels. »

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Voilà pourquoi le président Condé s’est rendu à Pékin pour séduire les investisseurs miniers chinois, fin octobre-début novembre 2016, et pourquoi le gouvernement est obsédé par le développement des industries extractives, même s’il ne se fait pas d’illusions quant à son efficacité pour réduire la très grande pauvreté des Guinéens.

L’agriculture en souffrance

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En effet, 70 % de la population vit peu ou prou d’une agriculture dont la productivité est l’une des plus faibles d’Afrique de l’Ouest, alors que la terre est très riche et l’eau abondante. Faute de budget, il n’y a ni engrais, ni semences, ni matériels pour augmenter les rendements. Faute de routes, il n’y a pas de possibilités de vendre la production agricole au-delà de marchés locaux forcément limités.

« En Guinée, le niveau éducatif progresse, et l’électrification aussi, conclut Bakary Traoré. Avec une franche amélioration du réseau routier, qui profiterait aussi bien au secteur agricole qu’au secteur minier et au port de Conakry, très sous-utilisé, la croissance, jusqu’à présent rognée par la forte poussée démographique, pourrait être considérablement accélérée. Et une plus grande partie de la population pourrait en profiter.

Messieurs les bailleurs, à votre porte-monnaie ! Votre perfusion financière a permis à la Guinée de ne pas sombrer avec Ebola et elle en a maintenant besoin pour construire des routes goudronnées vers ses voisins, ses champs, ses mines et, ce faisant, vers le développement.

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