Nord du Mali : des bars saccagés à Tombouctou
Des dizaines de jeunes dénonçant la vente d’alcool ont saccagé samedi des bars et débits de boissons à Tombouctou, haut lieu de l’islam dans le nord du Mali, ont indiqué témoins, meneurs et sources policières.
« Les jeunes étaient très organisés. Ils avaient ciblé les endroits à détruire. De nombreuses bouteilles de bière ont été cassées et des sachets contenant de l’alcool détruits », a témoigné anonymement un habitant joint par téléphone dans cette ville historique située à plus de 900 km au nord de Bamako.
Certains récits font un lien entre ces saccages et la mort récente d’un jeune, présumé habitué des bars, après consommation de substances illicites, mais jusqu’à samedi soir, aucun détail n’avait pu être obtenu sur ce sujet.
Un des meneurs, Hamed Haïdara, a expliqué que les mouvements n’étaient pas liées « à la mort d’un seul jeune », une autre raison est que « beaucoup de jeunes qui boivent, surtout de l’alcool en sachets, sont déréglés du cerveau ». « Nous ne voulons plus de vente d’alcool à Tombouctou », a ajouté M. Haïdara, se disant membre de l’Association des jeunes musulmans.
« Campagne de salubrité publique » ?
Selon lui, il s’agissait d’ »une campagne de salubrité publique » impliquant d’autres organisations de jeunes, pas uniquement de ceux qui se revendiquent musulmans. Une version confirmée par Ousmane Maïga, de l’Association de la jeunesse de Tombouctou.
« Depuis un moment » à Tombouctou, « la consommation d’alcool dans les bars a augmenté », les jeunes ont « décidé d’interdire désormais l’installation de lieux de dépravation », a déclaré M. Maïga.
Au moins cinq bars et débits de boissons ainsi qu’une boîte de nuit ont été mis à sac par « plusieurs dizaines » de jeunes, a indiqué une source policière sur place, un autre témoin évoquant une trentaine de manifestants.
Selon la source policière, cela représente environ la moitié des lieux de ce genre à Tombouctou, surnommée « Cité des 333 saints » en référence à des mausolées d’érudits et de personnages vénérés musulmans qu’abrite cette ville qui fut un grand centre intellectuel de l’islam.
Les musulmans représentent plus de 94% de la population du Mali, plus de 17 millions d’habitants, selon les estimations de juillet 2016.
Par ailleurs, selon d’autres sources policières et un responsable au gouvernorat de Tombouctou, des jeunes ont ciblé d’autres édifices soupçonnés d’être des maisons closes.
Ces bâtiments ont aussi été mis à sac ou incendiés, d’après ces sources qui n’étaient pas en mesure de fournir de détails.
Tout était « terminé » dans l’après-midi et aucun blessé n’avait été signalé, selon un responsable de la police.
Il y a eu pour « des millions de francs CFA (des milliers d’euros) de marchandises » détruites dans les bars et débits de boissons, en attendant l’évaluation concernant les sites, a estimé le propriétaire d’un hôtel épargné.
Tombouctou a connu des scènes similaires en avril 2012, alors que le nord du Mali était contrôlé par des rebelles touareg alliés à des groupes islamistes armés liés à Al-Qaïda qui ont fini par les évincer.
Les jihadistes ont été en grande partie chassés par une intervention militaire internationale, lancée en janvier 2013 par la France, et qui se poursuit depuis. Mais des zones entières échappent encore au contrôle des forces maliennes et étrangères.
D’après un policier, il y a environ trois mois, des tracts attribués aux islamistes avaient nuitamment été collés, appelant à la fermeture de « lieux de débauche » de Tombouctou.
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