Cyrille Nkontchou : « Le bilan boursier pour 2014 est plutôt positif »

Selon les statistiques fournies à « Jeune Afrique » par Enko Capital, 2014 aura connu 20 introductions en Bourse d’entreprises africaines. Un bon chiffre, mais beaucoup de choses restent à faire, estime Cyrille Nkontchou, associé d’Enko.

Cyrille Nkontchou suit les marchés financiers africains depuis plus de 15 ans. © Vincent Fournier/JA

Cyrille Nkontchou suit les marchés financiers africains depuis plus de 15 ans. © Vincent Fournier/JA

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Publié le 30 décembre 2014 Lecture : 5 minutes.

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Économie africaine : ce qu’il faut retenir de 2014

Sommaire

Année rouge et verte à la fois : en 2014, l’immense majorité des Places africaines auront affiché des performances positives en monnaie locale. Mais, en raison d’une évolution défavorable des changes, elles auront été une minorité à rester dans le vert une fois les performances calculées en dollars. En 2013, une quinzaine de Places avaient enregistré des performances positives, certaines de manière spectaculaire (la Bourse du Ghana avait terminé l’année sur une augmentation de 78,8 % en monnaie locale). En 2014, plusieurs Bourses auront eu de quoi se réjouir : début décembre, selon le courtier African Alliance, la Bourse égyptienne s’envolait de 36 %, celle du Kenya de 25 %, celle de Tanzanie de 39 %.

La grande déception est venue du Nigeria. Après une très bonne année 2013, marquée par une progression de 47,19 % (en monnaie locale) de son indice principal, 2014 se sera achevée sur une terrible descente aux enfers. A 15 jours de la clôture de l’année, le NSE All Share Index affichait une perte proche de 30 %. La chute du prix du baril de pétrole faisant craindre le pire.

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Malgré cela, le bilan n’est pas si mauvais pour les Places financières du continent. La BRVM est ainsi parvenue à attirer à nouveau quelques cotations. Et c’est à Lagos qu’a eu lieu la plus importante opération africaine, avec l’introduction de Seplat, alors qu’en 2013, c’est à Toronto (Oryx Petroleum) et Londres (Atlas Mara) que les principales introductions « africaines » avaient eu lieu.

>>>> Pourquoi les groupes africains préfèrent les Bourses étrangères

Président de la société de conseil financier LiquidAfrica Holdings et associé d’Enko Capital, un capital-investisseur, Cyrille Nkontchou suit l’évolution des marchés boursiers africains depuis plus de quinze ans. Il revient pour Jeune Afrique sur les évolutions boursières de 2014. Interview.

Propos recueillis par Frédéric Maury

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Jeune Afrique : L’année 2014 a-t-elle été bonne pour les Bourses africaines ?

Cyrille Nkontchou : Le bilan est plutôt positif. Le nombre d’introductions en Bourse a progressé. Nous en avons ainsi dénombré 20. Il y a également eu beaucoup d’opérations secondaires, une soixantaine et aussi beaucoup de listings par introduction, des opérations d’entrée en Bourse mais sans levée de fonds. Ce type d’opérations est très prisée, notamment dans le secteur immobilier en Afrique du Sud. Autre sujet de satisfaction : les montants levés dans le cadre d’introduction en Bourse a lui-aussi augmenté, atteignant selon nos calculs 1,375 milliard de dollars.

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Les Etats ont un rôle à jouer. Tout d’abord en réalisant des privatisations via les Bourses.

Autre changement, la principale opération concerne une société nigériane et non sud-africaine…

En effet, pour la première fois, le Nigeria arive en tête. C’est évidemment symptomatique du nouveau rang de ce pays, passé en 2014 première puissance économique d’Afrique. Il faut noter que l’introduction en Bourse de Seplat, compagnie pétrolière locale, est aussi le reflect de l’émergence d’acteurs privés nigérians dans ce secteur. Toutefois, avec la chute du baril, la situation nigériane a basculé ces dernières semaines.

20 introductions en un an, ce n’est tout de même pas très satisfaisant ?

Ce n’est pas si mal. Maintenant, il est vrai qu’il n’y a pas assez d’opérations, notamment par rapport à la demande. Toutes ces introductions sont d’ailleurs souvent sursoucrites.

Que faire pour y remédier ?

Les Etats ont un rôle à jouer. Tout d’abord en réalisant des privatisations via les Bourses. Il en a été ainsi question en Côte d’Ivoire : les participations publiques dans deux banques auraient du être en partie cédées sur le BRVM. Depuis, on n’en entend plus parler. Les Etats peuvent aussi mettre en place des avantages fiscaux importants pour inciter les entreprises à aller en Bourse, comme la Tunisie l’a fait. En 2014, les Etats africains sont allés chercher 14 milliards de dollars sur les marchés internationaux dans le cadre d’émissions obligataires. C’est dix fois plus que les montants levés par les entreprises africaines sur des places financières. Il y a un décalage.

Et le privé ?

Globalement, les opérateurs privés ont globalement une mauvaise connaissance des marchés financiers. C’est moins le cas au Nigeria et il faudrait d’autres success-stories comme celles de Dangote. Il ne faut pas oublier que s’il apparaît si haut parmi les classements de fortunes, c’est en grande partie parce que plusieurs de ses entreprises sont cotées à la Bourse. Enfin, je citerai le rôle des fonds de private equity. Ces derniers doivent faire davantage pour le développement des Bourses africaines, d’autant qu’ils y ont intérêt : les niveaux de valorisation sont souvent plus élevés sur les marchés.

La mode est aux compartiments PME. Mais le bilan est mitigé.

En 2014, la liquidité s’est-elle améliorée ?

La faible liquidité est liée aux manques d’opportunités.

En Afrique de l’Ouest, les Bourses du Ghana, du Nigeria et de la BRVM travaillent à se rapprocher. Avoir moins de Places est-il une bonne piste ?

Oui, mais cela ne se décrète pas. Dans le monde, les rapprochements entre Bourses ont eu lieu car celles-ci y voyaient un intérêt. Il faut laisser faire les forces de marché.

Plusieurs Bourses ont ouvert ces dernières années des compartiments PME. D’autres y pensent. Quel bilan faîtes-vous des premières expériences ?

La mode est aux compartiments PME. Mais le bilan est mitigé. En 2014, il n’y a eu que 2 ou 3 opérations sur des compartiments PME en Afrique. Sur ces marchés, les exigences et les standards requis sont plus légers mais selon moi, la complexité et la lourdeur des obligations n’est pas la contrainte majeure qui empêche les petites entreprises d’aller en Bourse. Globalement, ces dernières préfèrent se financer par la dette.

La principale opération de l’année, l’introduction de Seplat, s’est faite à la fois à Lagos et à Londres. Ces Bourses internationales sont très agressives pour attirer des entreprises étrangères…

Ce sont des structures privées, à la différence de plusieurs Bourses africaines, et à ce titre, elles sont gérées comme telles. Dans certains domaines, comme les mines et les nouvelles technologies, ou dans certaines phases de développement, le début d’activité notamment, ces Places internationales resteront utiles pour financer des entreprises africaines. Après, c’est aux Bourses du continent d’être plus agressives pour attirer.

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