« Born Julia and Julius » : comment mieux comprendre les personnes intersexuées ou hermaphrodites

Le phénomène d’intersexuation ou hermaphrodisme est répandu dans le monde mais reste méconnu, notamment en Afrique francophone. Pour pallier ce problème, l’Open Society Fondations du philanthrope et milliardaire américain George Soros a lancé une campagne de sensibilisation à travers une animation vidéo très réussie, « Born Julius and Julia ».

Dans le monde, l’intersexuation touche environ une personne sur 2000. © Capture d’écran Youtube / Open Society Foundations

Dans le monde, l’intersexuation touche environ une personne sur 2000. © Capture d’écran Youtube / Open Society Foundations

Publié le 1 mars 2017 Lecture : 3 minutes.

Pour nous en parler, le docteur Cheikh Traore, un consultant international mauritano-nigérian spécialisé dans les domaines du genre et de la diversité sexuelle. Après un parcours international d’expert en santé publique aux Nations unies, à la mairie de Londres et à l’agence Terrence Higgins Trust (Royaume Uni), il s’est installé en 2012 à Lagos, au Nigeria, où il exerce auprès de nombreuses agences gouvernementales et internationales comme l’Onusida, l’OMS et le Fonds mondial de lutte contre la tuberculose et le paludisme. Interview.

Jeune Afrique : Pourquoi une campagne vidéo (voir ci-dessous) a-t-elle été lancée maintenant ?

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Depuis plusieurs années déjà des militants échangent avec les médias sur toutes les questions des LGBTI (lesbiennes, gays, bisexuels, transsexuels et intersexués). Mais il n’y avait pas encore eu de vidéo pour s’adresser à un plus large public. Notamment en Afrique francophone et sur les réseaux sociaux. L’Open Society Fondations a donc lancé ce projet pour remédier à ce manque.

Combien de personnes environ sont-elles touchées en Afrique par le phénomène des « intersexués » ou hermaphrodites ?

Aucune étude ou enquête n’a révélé leur nombre précis. Mais on sait que dans le monde, il y a environ 1 personne sur 2 000 qui est touchée par le phénomène d’intersexualité. On sait cependant qu’en Afrique du Sud, et plus précisément dans la province du Limpopo, il y aurait un plus grand nombre de personnes intersexuées, selon des chercheurs.

Il faut savoir aussi que ce problème ne se définit pas seulement par rapport à l’identification de l’organe génital. C’est aussi lié à des dysfonctionnements hormonaux, biologiques et aux chromosomes. Si en Afrique de l’Est et en Afrique du Sud, une sensibilisation est faite à ce sujet vis à vis des populations, ce n’est pas du tout le cas en Afrique francophone, où c’est un phénomène très méconnu.

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Quel problème cela pose-t-il aux communautés ?

C’est à partir de la puberté que les problèmes commencent. Par exemple, j’ai suivi l’an dernier en Guinée un jeune de 14 ans. Depuis sa naissance, il est considéré comme un garçon et, peu à peu, il commençait à avoir des caractéristiques propres à une jeune fille. Comme la poussée des seins, ou avoir des attitudes plus féminines. Il a été rejeté par l’école et par sa famille. Il vit désormais dans la rue et survit grâce au travail du sexe. D’où le fait qu’il soit plus exposé au VIH/Sida. C’est très compliqué pour ces personnes qui se retrouvent isolées et marginalisées.

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J’ai apporté à ce jeune un soutien psychologique. Il était vu comme un garçon mais son changement en femme lui plaisait aussi, il préférait même cet aspect. Les gens le prenaient pour un homosexuel. Il a arrêté de jouer au foot. Il voulait aussi voyager pour aller se faire opérer en Thaïlande mais je lui ai expliqué qu’il n’était pas obligé de faire ça.

Les personnes concernées ont peur de s’exprimer, parce qu’elles ont peur de perdre leur emploi et craignent les retours de bâtons

Y a-t-il une manière spécifique de voir cette question en Afrique (par rapport à ailleurs) ?

Il existe une sensibilisation dans les médias en Afrique de l’Est, notamment en Ouganda. Le monde anglophone est sensibilisé, notamment à travers le cas de l’athlète sud-africaine, Caster Semeneya. Mais en Afrique francophone, il a une ignorance totale de ce phénomène, et très peu de soutien médical. Le débat arrive par le biais des activistes LBGT. Sinon, il n’y a aucune ouverture aucune place pour discuter de ces sujets. Les personnes concernées ont peur de s’exprimer, parce qu’elles ont peur de perdre leur emploi et craignent les retours de bâtons. De plus, en général, dans certains pays, des lois interdisent l’homosexualité. Il y a donc aussi une mauvaise compréhension des identités de genre.

Que conseilleriez-vous aux jeunes Africains confrontés à cette question ?

De se tourner vers des personnels de santé. Qui commencent à être sensibilisés sur la question par des formations, notamment sur la vulnérabilité des LBGTI et sur la nécessaire réduction des discriminations et des stigmatisations à leur égard. Mais le corps médical lui même ne se penche sur le phénomène que depuis une dizaine d’années. Il reste beaucoup à faire pour donner à ces jeunes une vie normale.

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