Charles Nditije : « Au Burundi, le pouvoir a peur du Cnared »
Le Conseil national pour le respect de l’Accord d’Arusha (Cnared) a de nouveaux dirigeants depuis le 28 février dernier. Charles Nditije, du parti Uprona non reconnu par le gouvernement, en a été élu président à Bruxelles, après trois jours de tractations internes.
Déterminé à travailler pour « chasser Nkurunziza du pouvoir » et « mettre en place des institutions de transition capables d’instaurer un environnement favorable à la tenue des élections inclusives, transparentes, crédibles et démocratiques », Charles Nditije, nouveau président de la coalition de l’opposition Cnared, en exil, livre son analyse de la crise burundaise et répond aux questions de Jeune Afrique.
Jeune Afrique : Quels sont les grands défis du Cnared qui feront objet de votre attention durant votre mandat ?
Charles Nditije : Les divisions qui gangrènent la société burundaise, le pouvoir de Bujumbura qui ne veut pas négocier. Nous allons travailler avec la société civile, les mouvements des femmes, la diaspora… pour que nous puissions mettre assez de pression sur le pouvoir de Nkurunziza, qui doit accepter de s’asseoir sur la table des négociations avec tout le monde, particulièrement l’opposition.
Votre mandat est de neuf mois, n’est-ce pas très peu pour avoir des résultats palpables ?
Nous sommes une organisation avec des hommes et des femmes de qualité. Si après neuf mois j’ai atteint un tiers, ou la moitié de nos objectifs, les autres feront le reste. Et je continuerai à travailler main dans la main avec ceux qui vont me succéder.
90% des leaders du Cnared sont en exil
Vous prenez la direction d’une plateforme rongée par des guerres intestines. Certains membres ont été suspendus, d’autres ont claqué la porte préférant rentrer à Bujumbura. Quelle sera votre politique pour préserver l’unité du Cnared ?
Dans une organisation aussi diversifiée que la nôtre, qui regroupe des partis politiques et des personnalités qui n’ont pas toujours travaillé ensemble, c’est normal qu’il y ait parfois des dissensions et des divergences des points de vue. Et puis la bataille politique que nous menons demande de l’endurance et de l’engagement. Chemin faisant, il y en a qui sont découragés par la fatigue, la déception, la pauvreté. 90% des leaders du Cnared sont en exil. Ce n’est pas tout le monde qui a les nerfs solides pour supporter tout cela. Il y a aussi les sollicitations du pouvoir de Bujumbura qui conduisent parfois aux défections. L’urgence aujourd’hui est d’instaurer un dialogue permanent. Et je m’engage à contacter tous ceux qui hésitent à nous rejoindre, qui se sont mis en retrait. Ici je ne parle pas de ceux qui ont été sanctionnés comme Alice Nzomukunda et Mathias Basabose, qui sont rentrés récemment à Bujumbura.
Quelle sera la position du Cnared sous votre leadership face au dialogue inter-burundais sous la facilitation de Benjamin William Mkapa ?
Nous avons déjà présenté au facilitateur Mkapa nos inquiétudes par rapport à ses prises de position, à l’équipe qui l’entoure qui doit être remplacée par une autre bien étoffée, faite de personnalités de l’Union africaine et des Nations unies rodées en matière de négociations. Maintenant, nous attendons sa réaction et ce qui va sortir du sommet des chefs d’État de la Communauté est-africaine qui se tient bientôt. C’est ce qui va déterminer notre attitude. Mais dans tous les cas, nous sommes disposés à entrer de plain-pied dans les négociations, l’unique voie capable de ramener une paix durable.
Et si Nkurunziza refuse toujours de négocier…
Dans ce cas, ce n’est pas au Cnared de prendre une décision. Mais avec la fatigue, les exilés, les jeunes désespérés feront en sorte qu’il y ait d’autres organisations, qui naîtront en dehors du Cnared pour mener une lutte armée. D’ailleurs il y en a déjà qui ont pris cette option.
L’un des arguments du pouvoir est que votre coalition ne représente plus grand-chose sur l’échiquier politique burundais…
Si le Cnared ne représentait rien, le pouvoir n’aurait pas peur de s’asseoir avec nous. Il connaît la force et l’expérience que nous avons. Il faut consulter les résultats des précédentes élections que nous n’avons pas reconnu mais qui sont quand même révélateurs. Le CNDD-FDD qui est parti en campagne seul n’a eu que 44,7 % des suffrages au niveau législatif. Ce chiffre inclut une bonne partie de ceux qui sont devenus frondeurs. Sur le terrain, il n’a pas grand-chose à part les Imbonerakure qui ne font que terroriser les populations.
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