Maroc : Fatima Tachtoukt, une « raïssa » du Souss à la conquête de l’international
La chanteuse traditionnelle s’est assurée une belle popularité dans le sud marocain. Il est temps pour elle de conquérir les scènes européennes.
« Quand les équipes de Babel Med l’ont vu en concert à Rabat, ils ont vite flashé », nous dit-on du côté de la communication de ce marché professionnel de la musique, dont la 13e édition commence le 16 mars prochain à Marseille, en France.
Celle qui a suscité l’admiration des organisateurs de cet événement réputé, c’est Fatima Tachtoukt, de son vrai nom Fatima Ezzihar. La native de la localité de Taddart n’Ait-Aâmira, dans la région d’Agadir, est depuis quelques années une étoile montante de la chanson amazighe marocaine.
« Elle n’est pas encore très connue en dehors de sa région, mais ça ne va pas tarder », assure Brahim El Mazned, un des professionnels les plus reconnus de son secteur au Maroc et directeur de Visa For Music. C’est à cet événement qu’en 2016, les équipes de Babel Med ont découvert la trentenaire, qui, tambourin à la main et dessins sur le visage, reproductions des tatouages féminins traditionnels, enflammait la scène.
En langue berbère, la diva chante souvent la fierté des femmes, leur condition de vie et leur rôle social, mais célèbre avant tout sa culture. Dans Tamazight Aymmi, elle clame : « Enseigne au nouveau-né notre langue / Que ton enfant parle la langue de son pays », implore les mères de donner des noms berbères à leurs enfants. Dans ses clips, Tachtoukt met un point d’honneur à présenter les tenues traditionnelles de différents régions : Ouarzazate, Tiznit, Tafraout… Elle est d’ailleurs aujourd’hui avant tout reconnue dans le monde de la culture amazighe : en 2010, l’Institut Royal de la culture Amazigh (IRCAM) lui a décerné un prix. « Elle est très prisée dans les milieux berbériste », confirme un militant des droits amazighs.
La bio autorisée de Tachtoukt commence en 2007, avec un méconnu concours de « découverte des nouvelles voix de la chanson amazighe » organisé par une radio locale. La suite de sa courte biographie est laconique : « sa vie s’est transformée comme par enchantement »… Depuis, sa carrière s’est en effet accélérée.
Tachtoukt enchaîne les albums – déjà huit au total, quitte à ce que le gros de sa production soit oubliée et que ne brillent que quelques tubes essentiels. Qu’importe, sur les ondes, chez les disquaires et dans les marchés de sa région, elle rayonne. En 2016, la chanteuse monte sur les planches de Mawazine, le plus gros festival marocain. Son parcours n’est pas sans rappeler celui d’une des plus grosses stars du Maroc, Fatima Tabaamrant, une voix devenue incontournable. Petit à petit, elle modernise sa formation, sans lui retirer son aspect traditionnel, et revivifie ainsi la musique berbère du sud marocain, l’ahwash.
Dans sa région, Tachtoukt est déjà considérée, à l’instar de Tabaamrant, comme une raïssa, titre informel qui désigne une chanteuse confirmée et populaire
« C’est là sa force », assure Mazned : « elle parvient à jouer sur des mises en scène très contemporaines tout en conservant quelque chose de très ‘tradi’. Elle innove sans jamais verser dans le folklore, et ça, aujourd’hui, c’est quelque chose de demandé à l’international ». À BabelMed, on lui trouve le même genre de qualité et on nous assure que son profil est « trop rare et prisé ».
Dans sa région, Tachtoukt est déjà considérée, à l’instar de Tabaamrant, comme une raïssa, titre informel qui désigne une chanteuse confirmée et populaire qui règne à la tête d’une troupe. Gageons que les scènes internationales lui conféreront le titre de leadsinger.
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