Algérie : lundi 1er novembre 1954, « Toussaint rouge » dans les Aurès

Il y a soixante ans éclatait officiellement la guerre d’Algérie. Restée dans les mémoires comme la « Toussaint rouge », le 1er novembre 1954 est gravé dans les mémoires comme le début de l’affrontement armé et organisé face à la puissance française. Récit de la nuit où Mustapha Benboulaïd a changé l’histoire.

Opération de l’armée française dans les Aurès en 1954. © AFP

Opération de l’armée française dans les Aurès en 1954. © AFP

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Publié le 31 octobre 2014 Lecture : 3 minutes.

Il est cinq heures du matin ce lundi 1er novembre 1954 quand Djamel Hachemi entame, au volant de son vieil autocar Berliet, son périple qui le mène chaque jour de Biskra vers Arris, dans les montagnes des Aurès. La nuit qui a précédé la fête de la Toussaint a certes été agitée à Biskra avec l’attaque d’un commissariat, du siège de la commune et de la centrale électrique, mais le jeune conducteur n’est pas particulièrement inquiet. Non seulement il connait  cette route cahoteuse et sinueuse qui serpente entre les flancs montagneux, mais aussi l’identité des auteurs de ces attaques qui ont fait plusieurs blessés. Il s’agit des hommes de Mustapha Benboulaïd, 37 ans, ancien adjudant de l’armée française doublement décoré pour ses exploits lors de la campagne d’Italie durant la seconde guerre mondiale. Issu d’une famille aisée des Aurès, condamné en 1950 à sept ans de prison pour atteinte à la sûreté de l’État, Benboulaïd est membre fondateur du FLN ( Front de libération nationale) qui a décidé de déclencher l’insurrection armée contre la puissance coloniale française en cette nuit de la Toussaint. 

>> Le texte intégral de la déclaration du 1er novembre 1954 par le FLN

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Ce lundi donc, le Berliet de Hachemi fait une première escale dans la palmeraie de Mchouneche. Sur place monte le caïd Hadj Sadok, suppôt de l’administration coloniale et potentat local haï par la population pour avoir délesté certains habitants de leurs terres ancestrales. Ex-capitaine de l’armée française, Hadj Sadok avait rabroué deux jours auparavant des émissaires de Benboulaïd venus lui apporter la proclamation qui annonçait le début de la révolte. L’autocar continue sa route sous le soleil avant de faire escale dans le hameau de Tiffelfel pour prendre Guy et Jeanine Monnerot.

Originaire de Limoges, ce jeune couple est récemment arrivé de Métropole pour s’installer comme instituteurs dans la région. Profitant de ce long week-end, les Monnerot se rendent à Arris pour y célébrer la Toussaint en compagnie d’un directeur d’école installé lui aussi dans cette bourgade qui culmine à 1 100 mètres d’altitude. Guy et Jeanine prennent place derrière Hadj Sadok, en compagnie d’une cinquantaine d’autres voyageurs.

Ne pas s’en prendre aux Européens

Il est presque 7 heures lorsque l’autocar aborde les gorges de Tighanimine, un étroit canyon dont les falaises abruptes longent une rivière où coule un mince filet d’eau. Au détour d’un virage, le conducteur du Berliet appuie sur les freins. Une quinzaine d’hommes armés de fusils de chasse y dressent un barrage. Le chef du groupe, Chihani Bachir, 25 ans, monte à l’intérieur du bus et somme le caïd ainsi que les deux instituteurs de descendre. Les Monnerot s’exécutent et se tiennent à l’écart à l’arrière du véhicule. Les ordres de Benboulaïd sont clairs : ne pas s’en prendre aux Européens. Chihani demande alors à Hadj Sadok s’il avait reçu la fameuse proclamation, mais ce dernier répond avec morgue et dédain. "Vous croyez que je vais discuter avec des bandits ?", lance le caïd de Mchouneche avant de porter la main à son baudrier rouge pour sortir son pistolet, un vieux 6,35 automatique. Trop tard. Une rafale de mitraillette tirée par un des assaillants le touche de deux balles au ventre. Le Caïd s’affaisse. Dans la confusion, une seconde rafale retentit et touche Guy Monnerot à la poitrine alors que sa jeune épouse est blessée à la cuisse.

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>> "1er novembre 1954 : comment tout a commencé"

Alors que les hommes de Chihani se replient vers les montagnes, l’autocar démarre vers Arris avec le corps du caïd criblé de balles. Il agonisera en cours de route avant de décéder  dans le dispensaire de la ville. Il faudra attendre encore plusieurs heures avant que les premiers secours arrivent sur place pour évacuer la dépouille de l’instituteur et de son épouse blessée. Chihani Bachir sera exécuté le 23 octobre 1955 après un procès sommaire monté contre lui par deux de ses compagnons d’armes. Arrêté en février 1955 puis condamné à mort, Mustapha Benboulaïd s’évade quelques mois plus tard et reprend le maquis. Le 22 mars 1956, il est tué en manipulant un poste radio piégé que l’armée française avait parachuté près de son poste de commandement. Jeanine Monnerot décédera à l’âge de 61 ans en novembre 1994, dix jours après le quarantième anniversaire de cette Toussaint rouge de Tighanimine.

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>> Reportage, soixante ans après, dans les Aurès, chez les oubliés de la révolution

 

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