Fespaco : un deuxième Étalon d’or pour Alain Gomis, le palmarès à la loupe

C’est donc Alain Gomis, le grand favori, qui a remporté samedi 4 mars à Ouagadougou l’Étalon d’or de Yennenga du 25e Fespaco pour son film Félicité. Mais d’autres œuvres auraient elles aussi mérité un Étalon. revue de détail.

Le Franco-Sénégalais Alain Gomis, dont le film « Félicité » a également remporté le Grand prix du Jury à la Berlinale, le 18 février 2017 à Berlin. © AFP

Le Franco-Sénégalais Alain Gomis, dont le film « Félicité » a également remporté le Grand prix du Jury à la Berlinale, le 18 février 2017 à Berlin. © AFP

Renaud de Rochebrune

Publié le 5 mars 2017 Lecture : 4 minutes.

Le jury présidé par l’ancien responsable du Centre cinématographique marocain Nouredddine Saïl a très logiquement couronné à l’issue de la biennale ce 4e long métrage du réalisateur franco-sénégalais Alain Gomis, qui vient par ailleurs de recevoir l’Ours d’argent au festival de Berlin, l’un des trois plus grands festivals de cinéma au monde. Il n’a pas réédité ainsi le faux-pas du précédent jury qui avait accordé en 2015 la plus grande récompense du plus important des festivals africains de cinéma à un film certes fort estimable, Fièvres du Marocain Hicham Ayouch, mais en « oubliant » le long métrage qui dominait alors de loin la production africaine, Timbuktu d’Abderrahmane Sissako, plébiscité par la critique comme par le public.

En remportant son deuxième Étalon d’or après celui reçu en 2013 pour Tey (Aujourd’hui), Alain Gomis rejoint au palmarès du Fespaco le prestigieux cinéaste malien Souleymane Cissé, le seul jusqu’ici à avoir réalisé un tel doublé avec Baara en 1979 et Finyé en 1983. Il obtient surtout définitivement une reconnaissance internationale pour son cinéma parfois déroutant et toujours exigeant mais respectant le public qu’il touche avec des histoires qui tournent à chaque fois autour d’un personnage fort attachant faisant face à une situation très difficile.

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Film musical

Félicité, ainsi, raconte la vie d’une chanteuse de bar mère célibataire de Kinshasa qui doit se battre pour trouver d’urgence de quoi payer une opération de la dernière chance à son fils adolescent grièvement blessé dans un accident de moto. Un film très musical, dont l’action est scandée par des morceaux du Kasaï Allstars et de l’étonnant orchestre symphonique de Kinshasa, qui montre comment cette femme désespérée va accepter la vie, malgré le décès de son enfant, tout comme le héros de Tey acceptait la mort qu’on lui annonçait.

Si le triomphe d’Alain Gomis n’a pas surpris, les lauréats des autres grands prix ne sont pas toujours ceux que l’on attendait après avoir vu les 20 films en compétition dans la section reine du festival, celle des longs métrages de fiction. L’Étalon d’argent attribué au Béninois Sylvestre Amoussou pour L’Orage africain peut laisser perplexe même s’il distingue un scénario habile, traité de manière efficace et parfois drôle, qui a conquis lors de ses projections le public.

En racontant comment le président d’un État africain imaginaire décide de nationaliser toutes les sociétés étrangères exploitant le sous-sol de son pays et comment il déjoue finalement tous les complots fomentés pour faire échouer son entreprise de récupération des ressources naturelles, le film ne peut certes qu’emporter l’adhésion du spectateur. Mais en traitant un sujet qui était surtout au devant de la scène dans les années 1970 ou 80, il donne l’impression de séduire à bon compte en menant un combat le plus souvent dépassé, voire anachronique aujourd’hui où les principaux enjeux économiques des États africains ne sont plus les mêmes qu’autrefois.

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Quant à l’Étalon de bronze, il revient au Marocain Saïd Khallaf pour A Mile in my shoes (Un mile dans mes chaussures), là encore un film qui évoque un sujet fort – le calvaire interminable d’un jeune d’un milieu défavorisé de Casablanca victime depuis son enfance d’abus sexuels et de bien d’autres agressions – mais qui ne convainc pas toujours par ses qualités cinématographiques. Son thème, il est vrai, était représentatif d’une bonne part de la sélection où les scénarios évoquaient volontiers des viols et autres maltraitances que subissaient les « héros », les victimes étant cependant le plus souvent des femmes.

Ibrahima Koma, une présence impressionnante

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Des prix secondaires sont heureusement venus attirer l’attention sur des œuvres qui auraient peut-être mérité elles ausssi de repartir de Ouagadougou dotées d’un Étalon. Ressortant au sein d’une sélection globalement peu convaincante, on peut notamment citer trois premiers longs métrages dont la réalisation a été fort bien maîtrisée par leurs auteurs. Wulu, du Malien Daouda Coulibaly, évoquant comment un jeune homme dépourvu de travail mais très dynamique se lance dans le trafic de drogue en Afrique de l’Ouest, y compris avec la complicité de djihadistes, une réussite qui se révélera en fin de compte une impasse, nous propose un film d’action au rythme trépidant qui n’a rien à envier à beaucoup de productions européennes ou américaines tout en traitant une question essentielle.

Rahmatou Keita a réalisé un long métrage splendide dans des décors qui ne le sont pas moins

Son acteur principal, Ibrahim Koma, dont la présence à l’écran est impressionnante même s’il joue sobrement son rôle, n’a pas volé son prix d’interprétation. Le Puits, de Lofti Bouchouchi, renouvelle quelque peu pour sa part l’abord de la Guerre d’Indépendance par les cinéastes algériens en racontant de façon finalement lyrique mais sans pathos, avec une grande sensibilité et avec de beaux personnages, un épisode dramatique du conflit (un village du sud désertique où ne restent plus que des femmes, des enfants et des vieillards est assiégé par un détachement de l’armée coloniale française qui interdit toute sortie, à tel point que l’on risque de mourir de soif). Il a reçu fort justement le prix Oumarou Ganda qui distingue le meilleur premier film.

Enfin, Rahmatou Keita a réalisé un long métrage splendide dans des décors qui ne le sont pas moins en racontant sans se presser dans L’Alliance d’or (Zin’naariya) une histoire d’amour qui permet d’évoquer les coutumes, les interrogations et la vie quotidienne de familles aristocratiques du Niger. Le prix de la meilleure image ne pouvait lui échapper.

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Le cinéaste mauritanien Abderrahmane Sissako recevant le prix du meilleur décor pour son film Timbuktu, en mars 2015. © Capture d’écran / www.fespaco.bf

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