Famine par appétit de pouvoir

De l’indécence sur de l’indécence : si les risques de famine n’ont toujours pas disparu de la planète, c’est que les conflits armés empêchent leur éradication pourtant à portée de main.

L’œil de Glez. © Glez / J.A.

L’œil de Glez. © Glez / J.A.

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Publié le 7 mars 2017 Lecture : 2 minutes.

Alerte ! Rameutez les chanteurs en mal de réputation caritative. Convoquez les photographes spécialistes d’un noir et blanc saisissant. Réquisitionnez les poésies médiatiques lacrymogènes pour faire pleurer dans les chaumières des classes moyennes occidentales ; dans les pavillons des sexagénaires dont le disque dur cérébral a gardé en mémoire les silhouettes affamées du Biafra ; dans les duplex des quinquas dont les désillusions politiques s’étaient muées en fan-attitude envers Bob Geldof ; dans les cité-U qui n’ont pas oublié la Somalie contemporaine. La famine fait son grand retour

En 2017, une petite dizaine de pays africains sont confrontés à des situations de sous-nutrition ultime : Djibouti, Éthiopie, Kenya, Ouganda, Somalie, Soudan du Sud, Nigeria et même Tanzanie. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, réclame une aide d’urgence de quatre milliards de dollars pour les vingt millions de personnes qui seraient menacées de famine en Afrique de l’Est, au Nigeria et au Yémen. Mais voilà : les indignations généreuses sont anesthésiées par la routine catastrophiste et déculpabilisées par les discours populistes adeptes de la solidarité de proximité.

La famine 2.0 est assassine au sens d’un homicide quasiment volontaire, au sens de la culpabilité criminelle de politiciens généralement armés

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Mais s’agit-il seulement de ponctionner des portefeuilles volontaires, en pestant contre de méchants insectes ou de pauvres sols fendillés ? Ne faut-il pas faire appel à l’intellect politisé autant qu’au cœur émotif ? La famine 2.0 n’est pas seulement tueuse. Elle est assassine au sens d’un homicide quasiment volontaire, au sens de la culpabilité criminelle de politiciens généralement armés qui déstabilisent des contrées traditionnellement fragiles.

La fatalité climato-faunique a bon dos…

Dans un entretien accordé, ce lundi, à Radio France internationale, le docteur Rony Brauman, ancien président de Médecins sans frontières, s’exprimait sans détours : « Il n’y a plus aujourd’hui de famines qui sont dues à des sécheresses, à des invasions de criquets ou d’infection des récoltes ». La disette ne serait plus uniquement d’essence naturelle. Même si l’aridité ou les déferlements d’insectes demeurent des fléaux, les effets de ceux-ci sont aggravés par les conflits.

À l’heure où la famine fait son come-back, en fanfare macabre, les dirigeants ou les rebelles de ces pays doivent faire leur aggiornamento. Au Soudan du Sud ou dans la province nigériane du Borno, par exemple, on meurt d’une faim négligée, admise ou instrumentalisée par des belligérants qui empêchent un bon usage des fonds humanitaires mobilisés, ne serait-ce qu’en coupant les routes d’approvisionnement. Quand les treillis ambitieux sont « nés avant la honte », on accorderait presque des circonstances atténuantes aux criquets…

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