Afrique du Sud : de la violence intra et inter-Noirs

La colonisation et ses frontières ont-ils à ce point plus de force sur les Subsahariens que la fibre panafricaine ? À bas les étrangers ! Ce sont des Africains nègres d’Afrique du Sud qui, encore fois, s’adressent ainsi à d’autres Africains nègres.

Des hommes manifestent contre les étrangers qui résident en Afrique du Sud, en avril 2015, à Johannesburg. © Shiraaz Mohamed/AP/SIPA

Des hommes manifestent contre les étrangers qui résident en Afrique du Sud, en avril 2015, à Johannesburg. © Shiraaz Mohamed/AP/SIPA

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  • Thierry Amougou

    Economiste, Professeur à l’Université catholique de Louvain. Dernier ouvrage publié : Qu’est-ce que la raison développementaliste ? Academia, 2020

Publié le 9 mars 2017 Lecture : 2 minutes.

Ces derniers sont pourchassés, poignardés et brûlés vifs. Leurs corps balafrés de long en large sont traînés dans la poussière devant d’autres nègres médusés et éberlués au vue de ce spectacle macabre. Baluchons sur la tête, des hommes, des enfants et des femmes prennent leurs jambes à leur cou pour échapper à la meute de nègres affamés de sang nègre. Négricide !

Faute de mieux, nommons ainsi ces actes de négation de la vie de nègres par d’autres nègres. Nommons ainsi cette violence suivant laquelle des Africains tuent d’autres Africains, les livrent à la vindicte populaire, les nient comme frères africains et les chassent d’un autre pays africain. Nommons ainsi une négritude morbide, celle qui montre sa face sombre, celle où la raison devient définitivement hellène et fait de l’émotion meurtrière, l’essence nègre par excellence.

Comment des Africains ayant connu l’apartheid peuvent-ils reproduire une telle violence ?

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Comment des Africains ayant connu l’apartheid peuvent-ils reproduire une telle violence envers d’autres Africains ? Comment expliquer ce négricide ? Plusieurs conjectures se présentent à nous pour une tentative de rationalisation.

Apartheid économique

La première explique une telle violence intra-nègre par le fait que les nègres sont des barbares et des sauvages depuis toujours.

La deuxième nie cette thèse hégélienne en arguant que passer de victimes des Blancs racistes il y a quelques années, à bourreaux d’autres Noirs aujourd’hui, fait des Noirs sud-africains les produits d’une violence multidimensionnelle qu’ils ont subie et qui a fait d’eux des individus ayant inconsciemment dévalué la vie d’un nègre.

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Que peut bien valoir la vie d’un nègre pour un nègre lorsque, toute sa vie, celui-ci  s’est vu mis en scène uniquement comme négation d’une vie humaine ? Ils infligent aux autres ce qu’ils ont subi car ces autres ne sont rien d’autres qu’eux-mêmes, des nègres sans importance.

Noirs sud-africains et les Noirs extra-sud-africains se disputent les mêmes miettes économiques

La troisième conjecture évoque une trappe malthusienne. L’apartheid économique qui a remplacé l’apartheid social et politique en Afrique du Sud, met les Noirs sud-africains et les Noirs extra-sud-africains dans une situation où ils se disputent les mêmes miettes économiques au point d’exercer une pression sur les ressources économiques rares.

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La mécanique de concurrence qui en découle débouche sur une violence intra et inter-Noirs. Sortir de cette trappe malthusienne et de la violence fratricide qui en résulte semble exiger encore plus de politiques publiques types Black Economic Empowerment, doublées d’un État de droit protecteur des Africains non sud-africains vivant en Afrique du Sud.

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