La bataille contre Ebola en passe d’être « perdue », faute de solidarité

L’ONU et la Banque mondiale s’alarment du manque de solidarité internationale envers les pays africains touchés par Ebola, qui a tué 4.555 personnes, et appellent à convertir en actes les promesses internationales d’aide financière et humaine.

Un travailleur de santé pose devant des instructions concernant Ebola. © AFP

Un travailleur de santé pose devant des instructions concernant Ebola. © AFP

Publié le 18 octobre 2014 Lecture : 4 minutes.

"Nous sommes en train de perdre la bataille" face au virus, a déploré le président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, lors d’une conférence de presse à Paris. "Certains pays ne se préoccupent que de leurs propres frontières", ce qui est "très inquiétant" selon M. Kim, pour qui "nous n’avons toujours pas pris conscience de la solidarité nécessaire" au niveau international.

L’épidémie de fièvre hémorragique a fait 4.555 morts sur 9.216 cas enregistrés, selon le dernier bilan publié vendredi par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Si sept pays (Liberia, Sierra Leone, Guinée, Nigeria, Sénégal, Espagne et Etats-Unis) ont été touchés, l’Afrique de l’Ouest reste de très loin la région la plus affectée.

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Seule lueur: l’OMS a annoncé que le Sénégal, qui avait déclaré un cas, désormais guéri, ne pouvait plus être considéré comme un pays touché par Ebola. La même annonce devrait suivre lundi pour le Nigeria, qui a enregistré 20 cas, dont 8 décès. Mais l’aide se fait attendre.

Les Nations unies ont reçu jusqu’à présent 377 millions de dollars sur les 988 millions demandés, soit 38%, a déclaré vendredi un porte-parole de l’OCHA (Bureau des Affaires humanitaires de l’ONU) à Genève. "Il faut y ajouter 217 millions de dollars promis, mais qui ne sont pas encore arrivés sur les comptes bancaires", a-t-il précisé. Et le fonds spécial de l’ONU mis en place pour parer aux urgences, le "Trust Fund", ne dispose que de 100.000 dollars sur les 20 millions initialement requis.

Aide de l’Afrique de l’Est

En réponse à cet appel de fonds, le gouvernement canadien, qui avait annoncé une contribution de 30 millions de dollars canadiens (21 millions d’euros) le mois dernier, s’est engagé vendredi à verser une aide de 30 millions supplémentaires.

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Le Programme alimentaire mondial (PAM) — une des agences de l’ONU les plus impliquées dans la lutte contre Ebola, avec l’OMS et l’Unicef — a annoncé vendredi le lancement immédiat d’une distribution d’aide alimentaire à 265.000 habitants de Freetown, la capitale de Sierra Leone, "la plus importante dans le pays depuis le début de l’épidémie d’Ebola".

La Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) a décidé d’envoyer plus de 600 professionnels de santé, dont 41 médecins, en Afrique de l’Ouest pour combattre l’épidémie, a annoncé vendredi le bloc qui regroupe cinq pays de la région. Le Kenya compte envoyer 15 médecins, l’Ouganda 14, le Rwanda sept et la Tanzanie cinq. Le Burundi entend envoyer 250 auxiliaires de santé, et le Kenya 300.

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La France, qui a renforcé les mesures de contrôle à ses frontières, a promis vendredi de "tout mettre en oeuvre pour aider les pays africains confrontés à Ebola, en particulier la Guinée". Londres a de son côté envoyé en Sierra Leone un navire militaire médicalisé, avec un hôpital, trois hélicoptères et 350 personnes à bord. Il devrait arriver dans deux semaines à Freetown. Au total, la Grande-Bretagne prévoit d’envoyer 750 militaires dans son ancienne colonie pour aider notamment à la construction de centres de traitement.

Pour organiser la riposte, et tenter de maîtriser la psychose qui commence à gagner du terrain, le président américain Barack Obama a nommé vendredi un coordinateur. Ron Klain, un avocat, devra s’assurer que "les efforts pour protéger les Américains en détectant, isolant et traitant les patients d’Ebola dans ce pays soient coordonnés".

Psychose mondiale

Mais la peur d’une contagion de masse au virus Ebola gagne du terrain en Occident, malgré les appels au calme et les contrôles renforcés dans un nombre croissant de pays. Les autorités portuaires mexicaines ont refusé vendredi à un bateau de croisière de faire escale à Cozumel, comme prévu, en raison de la présence à bord d’une laborantine d’un hôpital texan, qui a pu être en contact avec le patient libérien mort du virus Ebola à Dallas le 8 octobre dernier.

Cette femme, qui ne montre aucun symptôme de la maladie, reste confinée volontairement dans sa cabine, a indiqué la compagnie de croisière Carnival Cruise Lines, tandis que le paquebot se dirige à présent vers le Texas à Galveston après s’être encore vu refuser l’accostage au Belize pour y débarquer la passagère par mesure de précaution.

En France, des syndicats d’hôtesses et de stewards d’Air France ont exigé "la fermeture de la desserte de Conakry" en Guinée, l’un des pays les plus touchés par le virus Ebola, évoquant leur inquiétude d’un "risque grave de propagation de l’épidémie". Ils s’appuient sur la décision prise par d’autres compagnies (British Airways et Emirates) de suspendre les vols vers Conakry.

Au plan médical, la firme britannique GSK a annoncé que son vaccin expérimental contre la maladie ne sera pas prêt à la commercialisation avant 2016, mais ne doit "pas être considéré comme une riposte première à l’épidémie en cours". En Sierra Leone, la lutte contre l’épidémie passe désormais aussi par l’implication des rescapés. Une trentaine de survivants ont été réunis par les autorités et l’ONU pour partager leur expérience à Kenema, région la plus touchée dans l’est du pays.

Selon l’OMS, les survivants d’une espèce du virus Ebola, en l’occurrence celle dite Zaïre, sont immunisés contre cette espèce. Certains d’entre eux ont ainsi été mobilisés pour apprendre aux soignants à minimiser les risques de contamination. L’Unicef également a commencé à tirer parti de cette immunisation pour confier à des survivants des enfants en quarantaine ou des orphelins de l’épidémie. Cette rencontre de Kenema était "un projet pilote" pour, à terme, enrôler 2.500 survivants dans la lutte.

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