Nigeria : les victimes de Boko Haram témoignent dans un rapport de Human Rights Watch

Dans un rapport, Human Rights Watch a recueilli les témoignages de victimes des insurgés islamistes de Boko Haram. L’organisation de défense des droits de l’homme dénonce les atrocités commises par le groupe de Shekau et déplore les réponses inadéquates des autorités nigérianes face aux séquelles des anciennes captives.

Les lycéennes de Chibok, enlevées par Boko Haram. © Capture d’écran / Dailymotion

Les lycéennes de Chibok, enlevées par Boko Haram. © Capture d’écran / Dailymotion

Publié le 27 octobre 2014 Lecture : 3 minutes.

"L’un des hommes m’a violée, je l’ai supplié de m’épargner parce que j’avais mon bébé mais il m’a ordonné de le poser par terre", raconte l’une des femmes interrogées par l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch (HRW). Les visages floutés, le dos tourné ou dans l’obscurité, les victimes des insurgés islamistes de Boko Haram témoignent pour la première fois de leur calvaire.

Dans un rapport de 63 pages intitulé "Those Terrible Weeks in Their Camp : Boko Haram Violence against Women and Girls in Northeast Nigeria" – “Ces semaines horribles passées dans leur camp : les violences de Boko Haram contre les femmes et les filles dans le nord-est du Nigeria" – accompagné d’une vidéo, HRW livre les témoignages de 46 personnes enlevées par Boko Haram ou témoins de leurs exactions, interrogées entre avril 2013 et avril 2014.

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Selon HRW, depuis 2009, plus de 500 femmes ont été enlevées par Boko Haram. Le rapt de masse des lycéennes de Chibok survenu en avril avait ému la communauté internationale, mobilisée dans la campagne virale baptisée #BringBackOurGirls (#Rendez-nousnosfilles). "Même avant l’enlèvement des lycéennes de Chibok (…), nous entendions par le bouche-à-oreille des récits concernant des jeunes filles et femmes enlevées par Boko Haram mais il y avait une culture du silence", explique Mausi Segun, chargée de l’enquête de HRW à Abuja, au Nigeria.

Des otages utilisées en "première ligne" lors des combats

Pour lever ce tabou, HRW a décidé de "documenter les abus". Les mots des victimes sont durs, poignants et révèlent les atrocités commises pour le groupe d’Abubakar Shekau. "Ils ont dit : si vous continuez à refuser [de vous convertir à l’islam], nous vous tuerons et nous jetterons vos cadavres dans la rivière", se souvient l’une des victimes. "J’ai pensé que j’aurais dû saisir l’un des fusils des combattants de Boko Haram et m’en servir pour me tuer", raconte une autre.

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> > Pour aller plus loin : Shekau, le fléau de Dieu

L’organisation internationale non gouvernementale révèle également, par le biais de ces déclarations, que certaines femmes otages étaient utilisées "en première ligne" lors des combats menés par le groupe islamiste. "On m’a demandé de porter les munitions et de m’allonger dans l’herbe pendant qu’ils se battaient. Ils venaient s’approvisionner en munitions, au cours de la journée, alors que les combats se poursuivaient" a expliqué l’une des jeunes femmes. Cette année, des attentats-suicides menés par des femmes avaient laissé planer le doute sur l’identité de ces martyrs féminines, qui auraient pu, selon certains, être des otages de Boko Haram.

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> > Pour aller plus loin : Palestine, Tchétchénie, Nigeria… : quand les femmes se transforment en kamikazes

Un manque de soutien des autorités nigérianes

Si les personnes interrogées ne représentent qu’une part infime de celles enlevées par Boko Haram, comme le concède Mausi Segun, leurs récits sont la preuve d’un traumatisme réel des victimes auquel le gouvernement nigérian n’a pas encore répondu de manière adéquate. "Ces femmes doivent obtenir justice pour les crimes subis et recevoir des informations sur les moyens d’obtenir les soins médicaux ainsi que le soutien psychologique dont elles ont besoin", considère Mausi Segun. Le rapport déplore l’inaction des autorités nigérianes qui ne leur apportent pas le soutien dont ont besoin celles qui vivent constamment dans la "peur d’être à nouveau kidnappées".

Dimanche, une trentaine d’adolescents, des garçons et des filles, ont été enlevés dans l’État de Borno, dans le nord-est du pays. Une semaine plus tôt, soixante jeunes femmes avaient également été enlevées à Wagga et Gwarta. Ces rapts successifs ont rompu, de fait, l’accord de cessez-le-feu que les autorités nigérianes avaient affirmé avoir conclu et qui prévoyait la libération des lycéennes otages.

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Emeline Wuilbercq

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