L’argent des Africains : Lucas, laveur de vitres de voitures en Afrique du Sud – 215 euros par mois

Cette semaine l’argent des Africains met le cap sur Johannesburg, où Jeune Afrique a rencontré Lucas, 29 ans, laveur de vitres aux carrefours. Combien gagne-t-il, comment dépense-t-il son argent et où vit-il ? Il a accepté de répondre à nos questions.

Scène de rue dans la banlieue de Johannesburg. © Themba Hadebe/AP/SIPA

Scène de rue dans la banlieue de Johannesburg. © Themba Hadebe/AP/SIPA

Publié le 15 mars 2017 Lecture : 4 minutes.

Aujourd’hui le soleil brille dans la vallée de Bezuidenhout, que surplombe le gigantesque stade Ellis Park, théâtre de la coupe du monde de rugby en 1995, où le Président Nelson Mandela avait remis le trophée de la victoire au capitaine de l’équipe nationale des Springboks.

C’est ici que chaque matin, Lucas, visage d’ange et sourire permanent aux lèvres, zizague prudemment entre les voitures à l’arrêt et propose ses services à des conducteurs pressés de rejoindre leur destination. Dans ce décor de jungle urbaine, la casquette vissée sur le crâne, il passe ses journées à nettoyer des pare-brises aux abords des robots, car ici, un feu rouge s’appelle robot.

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215 euros par mois

Lucas gagne en moyenne 3 000 rands par mois, soit 215 euros, mais pour le jeune homme de vingt-neuf ans, il est difficile d’établir un montant journalier fixe car la générosité des clients est forcément aléatoire : « Je gagne en moyenne 10 euros par jour mais parfois c’est moins et je me contente de la moitié ; lorsque je suis trop fatigué je repars avec quatre ou cinq euros en poche ».

Nettoyer un pare-brise lui rapporte en moyenne entre 4 et 30 centimes d’euros, une somme qui en s’additionnant lui permet de manger à sa faim et d’acheter une fois par mois le litre de savon nécessaire à son travail et qui lui coûte 1,50 euro.

Lucas se lève chaque matin entre cinq heures trente et 6 heures. Depuis trois ans, il vit sous un pont situé à quelques centaines de mètres du stade Ellis Park. Pour l’instant sans domicile fixe, Lucas se contente de son sac de couchage et d’un abri de fortune fait de boîtes en carton qu’il partage avec trois de ses amis, eux aussi laveurs de carreaux. « Je n’ai pas de loyer à payer et je ne sais pas comment je pourrais m’en sortir si je devais débourser de l’argent pour une chambre ».

Alimentation : 111 euros

Pour son petit-déjeuner, Lucas dépense chaque jour 0,70 euro pour un café et une tartine de confiture avec du beurre de cacahuète. Ses repas du midi et du soir sont principalement composés de pap, le plat traditionnel sud-africain à base de semoule de blé ou de maïs, servi avec de la viande et des légumes. « Mon plat préféré c’est la tête de vache pressée et cela me coûte 3 euros par jour », souligne-t-il avec délectation.

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Lorsque Lucas a du mal à joindre les deux bouts, il se rend dans les centres commerciaux chinois « avec de la petite monnaie » pour acheter des pochettes de DVD, des chargeurs ou des porte-clés qu’il revend un peu plus cher dans la rue. Une manière de mettre du beurre dans les épinards qui lui coûte environ  deux euros par semaine.

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Il lui arrive de récolter des bouteilles en plastique et de la ferraille, mais il le fait le plus discrètement possible, de peur de se faire agresser par « les professionnels du recyclage qui peuvent te tuer si tu marches sur leurs plate-bandes », explique-t-il, l’air inquiet. C’est pourquoi il se rend dans des quartiers éloignés du sien et prend un taxi qui lui coûte 6,40 euros par mois.

Tous les dimanches à l’église

Chaque dimanche et dès qu’il le peut, il se rend à l’église, où  le pasteur, qui l’a pris sous son aile, n’hésite pas à lui donner de l’argent lorsqu’ils se rencontrent.

Lucas est papa d’une petite fille de six ans qu’il ne voit jamais, les relations avec la mère sont compliquées et à ce jour, il n’ a pas les moyens de subvenir à ses besoins. Une situation qu’il espère changer : « En ce moment je vis au jour le jour, je survis, je n’ai pas de téléphone, pas de compte en banque, plus de carte d’identité mais je sais que nous avons tous un destin, je continue de travailler dur et j’espère vraiment qu’un jour, j’aurai mon appartement à moi ».

Si le temps des loisirs et de l’amusement n’est pas sa préoccupation première, Lucas sait tout de même prendre un peu de bon temps avec ses compagnons d’infortune. Parfois ils consomment de la bière et se cotisent ensemble pour acheter quelques bouteilles, mais Lucas ne se rend jamais dans les bars. « Trop dangereux et risqué, il y a toujours des bagarres et souvent des coups de feu partent »…

Né à Pretoria, la capitale, Lucas, qui fume de la marijuana pour deux euros par jour, reçoit régulièrement des vêtements offerts par des conducteurs qui le connaissent depuis des années et avec qui il entretient des relations amicales et chaleureuses. « En général les gens nous méprisent, on nous prend pour des tsotsi ( voyou, racaille en langue zulu) mais on essaye de s’en sortir, on gagne notre vie honnêtement, on reste discret et on ne fait du mal à personne ».

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