Le jeune Albert Camus, sympathisant de la cause algérienne ?
Un livre sous forme d’enquête apporte un nouvel éclairage sur le rapport houleux, passionné et contradictoire que l’auteur Albert Camus a entretenu avec le nationalisme algérien.
La place de l’auteur français Albert Camus dans la mémoire algérienne reste sujette à débat. En effet, l’auteur reste connu pour ne pas avoir soutenu le combat pour l’indépendance, s’en être tenu à une dénonciation de certaines pratiques colonialistes et s’être cantonné à une position ambiguë concernant l’action du Front de libération nationale (FLN).
« Camus, militant communiste – Alger 1935-1937 », de Christian Phéline et Agnès Spiquel-Courdille, paru chez Gallimard fin février 2017, devrait donc en intéresser plus d’un.
Un pan méconnu de la vie de Camus
Les auteurs dévoilent un pan méconnu de la biographie de l’auteur, Prix Nobel de littérature de l’année 1957. En 1935, alors qu’il est dans sa vingtaine, ce dernier « prend sa carte » au Parti communiste d’Algérie (PCA), directement issu du Parti communiste français et qui lui restera très lié. Pendant deux ans Camus émarge au parti et participe à ses activités. En plus de s’investir dans l’embrigadement de militants arabes, il anime notamment une Maison de la Culture et un Théâtre du Travail, à destination des Algériens et des Français d’Algérie.
En 1937, il est exclu de l’organisation, sous la coupe de sévères cadres staliniens qui prennent leurs ordres à Paris et à Moscou. Et selon l’enquête des deux auteurs, basée entre autres sur des relations épistolaires, la raison de la rupture entre Camus et les dirigeants communistes pourrait être entre autres liée à aux incidents intervenus entre le PCA et le Parti du peuple algérien (PPA) de Messali Hadj.
Favorable à la souveraineté nationale ?
En des termes plus clairs : Camus pourrait avoir plaidé pour une alliance avec un mouvement algérien qui dessinait déjà les contours d’un discours favorable à la souveraineté nationale, alors que le PCA oscillait entre principes indépendantistes et discours assimilationnistes et ne se départait pas d’une certaine ambiguïté.
Camus aurait par exemple aussi soutenu la fondation en 1936 du Congrès musulman algérien, alors que les communistes européens influents sur la ligne du PCA désapprouvaient la création de ce front proprement algérien. L’auteur aurait, pour résumer, refusé « le tournant tactique conduisant le PCF et le PCA à mettre sous le boisseau le combat contre le colonialisme ».
Ces deux années de lutte politique et de débats intenses dans un PCA traversé par différentes tendances et sujet aux revirements vis-à-vis de la question nationale ont formé un Camus, qui en 1939 encore, se mobilisait pour réclamer la libération de l’indépendantiste Messali Hadj, avant d’opérer un virage et d’adopter des positions bien moins favorables au combat des Algériens.
Collaboration avec le journal clandestin l’Ikdam ?
Les auteurs poursuivent leur enquête historique et littéraire et révèlent aussi que Camus pourrait avoir collaboré, alors qu’il était lycéen, à des journaux algériens très critiques à l’endroit des autorités françaises. Le travail de journaliste de Camus à l’Alger Républicain ou à Combat est connu. Mais personne ne se penche sur une possibilité que les auteurs évoquent : Camus aurait signé des éditoriaux et corrigé des articles dans le journal clandestin l’Ikdam, qui défendait avec clarté les droits des musulmans et a formé une génération de militants appelés à devenir l’élite de l’action nationaliste. Une hypothèse absente des biographies les plus connues de Camus, y compris celle du philosophe français Michel Onfray.
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