Trois ans après Kadhafi, les Libyens entre déception et peur
Le 20 octobre 2011 chutait Mouammar Kadhafi. Trois ans plus tard, nombre de Libyens sont déçus, tant le pays est plongé dans le chaos et livré aux milices.
Le 23 octobre 2011, trois jours après la capture et la mort de Mouammar Kadhafi, les autorités de transition avaient proclamé la "libération totale" du pays, au terme de huit mois de conflit. À la veille du troisième anniversaire de cette déclaration, les autorités n’ont pourtant annoncé aucun programme pour fêter cette journée désormais fériée en Libye.
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Et pour cause : le contexte ne s’y prête guère. Des combats meurtriers font rage à Benghazi comme dans l’ouest du pays entre des forces pro-gouvernementales et des milices rivales. "Quand on a annoncé la libération du pays, on avait pour ambition de devenir un nouveau Dubaï grâce aux revenus du pétrole. Aujourd’hui, nous craignons un scénario à la somalienne ou à l’irakienne", déplore Mohmamed al-Karghali, un instituteur de 39 ans ayant participé à la rébellion de 2011.
La dégradation de la sécurité a été nourrie par l’impunité
De nombreux Libyens avouent même regretter le passé. "Les conflits régionaux, idéologiques et tribaux sont pires que le règne du dictateur" Kadhafi, lance Salah Mahmoud Al-Akouri, un médecin de Benghazi. "Un certain nombre de Libyens songent à l’ancien régime malgré la haine qu’il portent à Kadhafi".
Si la guerre de 2011 a coûté la vie à des milliers de Libyens, les violences post-révolution ont été tout autant meurtrières, souligne l’expert militaire Suleiman al-Baraassi. Pour cet ancien officier, la dégradation de la sécurité a été nourrie par l’impunité. Les autorités de transition ont en effet échoué à former une armée et une police professionnelles, s’appuyant plutôt sur des milices, formées par les ex-rebelles sur des bases idéologiques, tribales, régionales voire criminelles.
Khalifa Haftar, général de la controverse
Devenue le fief des islamistes radicaux, Benghazi a été la plus affectée par les violences qui ont visé les services de sécurité, les journalistes, les activistes politiques ainsi que des intérêts occidentaux. La ville désertée par les représentations diplomatiques, est tombée en juillet aux mains de milices islamistes qui en ont chassé les forces pro-gouvernementales.
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Près d’une centaine de personnes ont été tuées la semaine dernière dans une nouvelle offensive lancée par des forces loyales à l’ex-général Khalifa Haftar, dans une nouvelle tentative de reconquérir la ville. Cet homme controversé avait été accusé par les autorités de transition de fomenter un coup d’État lorsqu’il avait lancé en mai une opération contre les islamistes. Mais celles-ci ont finalement décidé de l’appuyer après avoir perdu tout contrôle sur le pays.
Même la capitale est tombée
La capitale Tripoli est en effet tombée à son tour fin août aux mains d’une coalition de milices, à l’issue de plusieurs semaines de combats meurtriers contre les milices pro-gouvernementales de Zentan. L’offensive menée par Fajr Libya, coalition de milices de Misrata et des islamistes, est intervenue peu avant la prise de fonction du nouveau parlement dominé par les anti-islamistes et issu des élections du 25 juin.
Le gouvernement et le parlement reconnus par la communauté internationale ont mécaniquement été contraints de s’exiler à l’extrême-est du pays, tandis que leurs rivaux formaient un gouvernement parallèle à Tripoli.
Affrontements tribaux au Sud
Le sud du pays est aussi le théâtre d’affrontements tribaux dans le cadre d’une lutte d’influence pour le contrôle de la contrebande dans le désert. Les espoirs d’un essor économique et d’une transition démocratique paisible se sont ainsi évanouis dans ce riche pays pétrolier, où les combats détruisent quotidiennement ce qui reste d’infrastructures déjà vétustes.
L’universitaire Mohamed al-Kawach met en cause la communauté internationale, en particulier les pays ayant participé aux opérations aériennes qui ont accéléré la chute de Kadhafi. Ils ont "abandonné la Libye" et ne l’ont pas "aidée à se reconstruire", accuse-t-il.
Il est vrai qu’il n’y a pas de quoi être rassuré par les déclarations du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, qui s’est récemment rendu à Tripoli : "Soyons clairs: sans un arrêt immédiat des affrontements violents et sans le rétablissement d’une paix durable, prospérité et vie meilleure seront un rêve lointain".
(Avec AFP)
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