Laurent Gbagbo a perdu son « jumeau blanc », Henri Emmanuelli

Un vieil ami de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo vient de disparaître. Membre du Parti socialiste français (PS), Henri Emmanuelli est mort ce mardi 21 mars, à l’âge de 71 ans.

Henri Emmanuelli, le 11 juin 2013 à Paris. © Charles Platiau/AP/SIPA

Henri Emmanuelli, le 11 juin 2013 à Paris. © Charles Platiau/AP/SIPA

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Publié le 22 mars 2017 Lecture : 4 minutes.

Henri Emmanuelli faisait partie de ses dirigeants du Parti socialiste (PS) qui ont défendu Laurent Gbagbo jusqu’au bout. L’amitié entre l’ancien président ivoirien et le député français remonte au début des années 90.

Quelques années plus tôt, en 1982, Gbagbo s’exil en France pendant six ans. Il se lie rapidement d’amitié avec Guy Labertit, le « Monsieur Afrique » du parti, qui l’héberge chez lui à Vitry-sur-Seine.

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« Gbagbo regardait souvent les questions orales à l’Assemblée nationale, retransmises […] à la télévision. Il appréciait particulièrement les interventions du député Henri Emmanuelli qu’il surnommait Gros cœur », raconte Larbetit au téléphone.

J’ai rencontré « Gros cœur ».

La première rencontre entre les deux hommes intervient finalement en février 1991, lorsque Ggagbo est invité en France par la Fondation Jean Jaurès. « Lors d’une conversation dans un café, Gbagbo et Emmanuelli ont comparé leur cartes d’identité et se sont rendus compte qu’ils étaient nés le même jour : le 31 mai 1945 », confie un proche de l’ancien président ivoirien. « J’ai rencontré Gros coeur », dira Gbagbo à Labertit.

Emmanuelli fait libérer Gbagbo

Le 18 février 1992, quand Laurent Gbagbo, alors opposant à Félix Houphouët-Boigny, est arrêté à Abidjan, plusieurs membres importants du PS se mobilisent, le Front populaire ivoirien (FPI, crée en 1982 par Gbagbo) faisant parti de l’International socialiste. Parmi eux, Gérard Collomb, maire de Lyon d’où est originaire la première femme de Gbagbo, et Henri Emmanuelli, tout juste élu président de l’Assemblée nationale.

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Le leader du FPI est finalement libéré après six mois de détention à la Maca (la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan). « En juillet 1992, du haut de son perchoir, le député des Landes avait fait un tel forcing sur Henri Konan Bédié, son homologue de l’époque, qu’il avait réussi à faire libérer Ggagbo. Celui-ci venait pourtant d’être condamné par la justice ivoirienne à deux ans de prison », écrit Christophe Boisbouvier, journaliste à RFI et collaborateur de Jeune Afrique dans son livre Hollande l’Africain.

Entre les deux, le courant est tout de suite passé.

Quelques mois plus tard, Emmanuelli héberge Laurent Gbagbo et sa seconde femme Simone Ehivet (épousée en 1989) dans un appartement de questeur de l’Assemblée pendant deux semaines. Le couple ivoirien se rend même dans le village du socialiste français dans les Landes.

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« Entre les deux, le courant est tout de suite passé. Ils sont rapidement devenus amis et ont tissé de très forts liens », poursuit un membre du PS. Laurent Gbagbo dit d’Henri Emmanuelli qu’il est son « jumeau blanc ». Au milieu des années 90, ce dernier utilise sa réserve parlementaire pour financer la construction d’une école élémentaire portant son nom à Mama, le village natal de Gbagbo,  et d’un marché à Ouragahio (Ouest).

« Mon cher Henri »

Le député français demeure fidèle à l’Ivoirien contre vents et marées. Comme l’ensemble du PS, il lui apporte un important soutient lors de la présidentielle d’octobre 2000. Un an plus tard, il effectue une visite à Abidjan et est logé à l’ambassade de France.

Mais à partir de septembre 2002, date du coup d’Etat manqué, les socialistes se divisent sur la question ivoirienne. Alors que l’ambassadeur de France qualifie le président ivoirien de « monstre au sang froid » et que la presse française évoque des escadrons de la mort au sein du régime Gbagbo, Emmanuelli fait partie d’une mission du PS envoyée fin février 2003 par François Hollande et dont les conclusions sont plutôt favorables à Gbagbo.

En 2004, deux Sukhoi de l’armée ivoirienne tuent neuf soldats français à Bouaké. La France réagit en détruisant l’aviation ivoirienne au sol. À Abidjan, les Jeunes Patriotes descendent dans les rues, l’armée française riposte. Alors que la situation est particulièrement tendue, Emmanuelli appelle Gbagbo à calmer ses « patriotes ».

Réplique du président ivoirien : « Mon cher Henri, est-ce que vos sans-culottes étaient des gentlemen ? Moi, j’éviterai les massacres de septembre [1792, début de la Terreur, ndlr], mais je n’ai pas d’autres moyens pour me défendre que la rue. »

Dernière marque de soutien en 2010

Gbagbo devient alors « infréquentable ». Emmanuelli − qui n’avait pas d’intérêt particulier pour l’Afrique − garde d’épisodiques contacts avec le président ivoirien. Il le soutient une dernière fois lors de la présidentielle de 2010.

Avec François Loncle, un autre élu socialiste, il publie début décembre un communiqué dans lequel il fustige « la majorité des médias français, relayés par un certain nombre de responsables politiques ». Il les accuse d’avoir « entrepris une campagne de suspicion et de dénigrement à sens unique dirigée contre les autorités ivoiriennes ».

Laurent Gbagbo n’a pas oublié les marques de soutiens d’Emmanuelli.

Selon les deux élus, « au lieu de respecter le processus électoral, d’analyser sereinement la situation, y compris les fraudes avérées dans les régions du nord du pays », ces « donneurs de leçons » sont invités « à cesser d’intervenir sans retenue et de juger de manière péremptoire les pays africains qui aspirent à décider eux-mêmes de leur destin ».

Laurent Gbagbo n’a pas oublié ces marques de soutiens. Le 21 mars à 18h30, quelques heures après l’annonce de la mort d’Henri Emmanuelli, l’ancien président  ivoirien a appelé Guy Labertit de sa cellule de La Haye. Il lui a demandé de transmettre ses condoléances à la famille du défunt.

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