Le Pen et nous
Jeune Afrique, est-il besoin de le préciser, n’est pas un hebdomadaire français, même si, édité en France, il relève des lois et règlements de ce pays. Son ADN, inscrit une fois pour toutes à Tunis, en terre africaine, par son fondateur, Béchir Ben Yahmed, un jour de 1960, est à la fois africain et multiculturel.
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 21 mars 2017 Lecture : 2 minutes.
Une singularité et une position d’extraterritorialité éditoriale qui ont toujours impliqué une sorte de devoir de réserve quant au choix de soutenir tel ou tel candidat à l’élection présidentielle française.
Une seule fois dans son histoire, JA s’est prononcé en faveur de l’un d’entre eux : c’était en 1981, et nous avions ouvertement appelé nos lecteurs concernés à voter pour François Mitterrand contre Valéry Giscard d’Estaing. Le premier avait, en matière de politique africaine, des idées et une empathie à la fois saines et novatrices, alors que le second avait couvert et cautionné l’humiliante palinodie du sacre de Bokassa.
Cette élection, pensions-nous, était aussi une échéance africaine et valait la peine qu’on s’y engage. Est-ce aussi le cas, cette fois-ci, en 2017 ? Non. Même si nos lecteurs ont pu déceler, dans un récent « Ce que je crois » (JA n° 2930), une appréciation positive de BBY à l’égard d’Emmanuel Macron, votre journal ne mène pas campagne pour un postulant plutôt qu’un autre. À une nuance – capitale – près : ne pas être pour ne signifie pas que l’on s’interdit d’être contre, et nous sommes contre Marine Le Pen.
Contre celle qui veut abolir la binationalité pour les Africains (mais pas pour les Européens), jugés coupables de « polygamie patriotique », contre celle qui veut interdire toute régularisation des sans-papiers et automatiser leur expulsion, contre celle qui prétend supprimer l’octroi sur le territoire français du droit d’asile politique et promouvoir à l’école le « roman national » exaltant la colonisation, contre celle qui veut mettre fin « au regroupement et au rapprochement familial » et à l’aide médicale pour les clandestins, contre celle qui veut « permettre la présence d’un maximum de joueurs français dans les clubs professionnels » (sic) et lutter contre « le recours massif aux médecins étrangers »…
Saillies parmi bien d’autres, contenues dans les « 144 engagements présidentiels Marine 2017 », exercice de grand écart laissant en permanence affleurer des démons qui ne demandent qu’à ressurgir. Pour la France, pour la France en Afrique, mais surtout pour les Africains de France, l’élection de Marine Le Pen aurait des conséquences désastreuses. Ce qui ne rend que plus irresponsable et pour tout dire pathétique la position de ceux d’entre eux qui, par frustration et aveuglement, estiment que le Front national peut être un remède à leur propre impuissance. (À ces Africains qui votent Le Pen, JA consacrera la grande enquête d’une prochaine livraison.)
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