Tunisie : dissidences patronales au sein de l’UTICA
La fédération nationale du textile (Fenatex) a quitté le 11 mars les rangs du patronat tunisien, dont elle est l’un des principaux piliers. Un divorce qui ébranle l’Union Tunisienne de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat (UTICA), déjà en proie à d’autres dissidences.
En cause les 6 % de majorations salariales conclues le 10 mars entre la centrale patronale de l’Union Tunisienne de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat (UTICA) et le puissant syndicat de l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT). Un accord que plusieurs entreprises se disent incapables d’appliquer.
Pourtant les professionnels avaient tenté de convaincre en expliquant que les augmentations de salaires ne devaient pas servir à couvrir l’inflation mais être en lien avec les performances des entreprises. Ils n’ont manifestement pas été entendus et se considèrent mis devant le fait accompli.
Une industrie en crise
Ce départ aux allures de scission est la conséquence d’un réel ras-le-bol ; depuis plusieurs années la direction de la Fenatex alerte sur la mise à mal d’un secteur clé de l’industrie tunisienne. Elle dénonce la concurrence de la friperie, l’attribution de franchises à des marques étrangères comme LC Waikiki, Tati et Kiabi, et le raz-de-marée des produits importés distribués par les circuits de l’économie parallèle.
« Le marché local est affecté par les importations de textile et habillement qui demeurent problématiques, notamment celles provenant de Turquie et de Chine, deux pays avec lesquels la Tunisie affiche un bilan des échanges totalement déficitaire, puisqu’on achète de ces deux pays sans rien exporter dans ce domaine », alertait en 2015 Belhassen Gherab, président de la Fenatex.
En 2016, les sociétés turques évoluant sur le marqué tunisien ont gagné 238 millions de dinars tunisiens (MDT) soit 3,5 % de mieux qu’en 2015, et les Chinois 160 MDT avec une progression de 1,2%. De quoi mettre à mal une industrie locale qui compte 1 852 entreprises représentant 32 % du tissu industriel tunisien et 179 000 emplois.
Chaque grande surface d’habillement qui ouvre reviendrait à fermer une usine et ferait perdre 200 à 300 emplois, s’inquiètent des professionnels du secteur, la fédération nationale du cuir et de la chaussure étant également touchée par la crise. Une réalité dont certains dirigeants de l’UTICA ne semblent pas tenir compte. Wided Bouchamaoui, la patronne des patrons, est d’ailleurs critiquée pour encourager la venue de franchises étrangères, le groupe Hédi Bouchamaoui, fondé par son père, étant promoteur de Kiabi.
Dans un contexte d’hyper-concurrence internationale, protéger le secteur est une question de vie ou de mort pour la Fenatex. D’autant que le marché local est étroit et que les innombrables mouvements sociaux ainsi que les dysfonctionnements administratifs depuis la révolution tunisienne de 2011 ont refroidi les chefs d’entreprise étrangers et sévèrement impacté les exportations.
D’autres fédérations nationales en désaccord
Dans l’histoire de l’UTICA, ce n’est pas la première dissidence. La Fédération Tunisienne de l’Hôtellerie (FTH) et la Fédération Tunisienne des Agents de Voyage (FTAV), représentant toutes deux le tourisme, autre secteur fort de l’économie, ont quitté le giron de l’UTICA dès les années 60.
La Fédération nationale du Transport affirme quant a elle ne pas pouvoir appliquer l’accord des majorations salariales.
Au sein de l’UTICA, certains déplorent néanmoins la décision de la Fenatex qui « aurait pu se battre de l’intérieur pour imposer des négociations sectorielles avec l’UGTT », selon la chambre nationale des sociétés de services et d’ingénierie informatique (INFOTICA), également en désaccord avec la direction de la centrale patronale.
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