Biens pillés au Bénin : le Cran hausse le ton
Après le refus opposé par le ministère français des Affaires étrangères à la demande de restitution de biens pillés au Bénin en 1892, le Conseil représentatif des association noires (Cran), ainsi que des députés et des rois béninois en appellent à l’arbitrage de François Hollande.
Louis-Georges Tin, le président du Conseil représentatif des Associations noires (Cran) est fâché. Et il le fait savoir avec une offensive médiatique tous azimuts. La cause de son courroux ? Le refus, par le ministère français des Affaires étrangères et du Développement international, de restituer des biens culturels du patrimoine béninois conservés en France. Dans une lettre ouverte adressée au président de la République François Hollande, des associations, des députés et des rois béninois rappellent : « Le 26 août dernier, le président de la République du Bénin, M. Talon, a pris une décision importante en demandant à la France de bien vouloir restituer les biens culturels qui ont été enlevés pendant la colonisation du Dahomey, l’actuel Bénin. Ces trésors se trouvent dans plusieurs musées, et notamment au Quai Branly, où figurent plusieurs trônes royaux, des récades, les portes sacrés du Palais d’Abomey, des statues anthropomorphes, etc. Ces objets ont pour le peuple béninois une valeur patrimoniale et spirituelle exceptionnelle. »
Il ne s’agit pas de tous les biens récoltés ou volés lors de la période coloniale, mais spécifiquement de ceux pillés par le général Dodds en novembre 1892. À la requête béninoise, la France a opposé une fin de non recevoir. « Les biens que vous évoquez ont été intégrés de longue date, parfois depuis plus d’un siècle, au domaine public mobilier de l’État français. Conformément à la législation en vigueur, ils sont soumis aux principes d’inaliénabilité, d’imprescriptibilité et d’insaisissabilité, écrit le ministre Jean-Marc Ayrault. En conséquence, leur restitution n’est pas possible. » Lot de consolation : « Des coopérations muséales de grande ampleur ont déjà été mises en œuvre entre nos deux pays. Je vous confirme mon entière disponibilité à les développer davantage. »
Le Bénin ne demande pas repentance, le Bénin demande restitution
Biens mal acquis
Combatif et déterminé, le Cran argue qu’il existe en France une Commission scientifique nationale des collections qui peut déclasser les objets soumis à son examen, s’ils ont été mal acquis, afin qu’ils puissent être restitués. Relayés par une pétition disponible en ligne les signataires de la lettre ouverte interpellent vigoureusement le chef de l’État français. « Il reste au président Hollande encore quelques semaines, écrivent-ils. C’est assez pour saisir officiellement la commission et pour acter la restitution de manière officielle et irréversible, au moins pour les objets royaux, qui ont été clairement acquis à la fin du XIXe siècle. Le Bénin ne demande pas repentance, le Bénin demande restitution. Si le président Hollande refuse, c’est l’image de la France dans le monde entier qui sera ternie, et ce sera un signe de mépris terrible pour les français d’origine africaine vivant en France. »
Litanie de non-réponses
La question des biens spoliés avant et pendant la colonisation revient comme un leitmotiv dans l’actualité, au gré des agendas politiques des uns et des autres, avec des dénouements différents selon les cas. L’Éthiopie a obtenu de l’Italie la restitution de l’obélisque d’Axoum, tandis que la Grèce attend toujours celle de la frise du Parthénon, conservé au Royaume-Uni. En Afrique, des voix s’élèvent régulièrement – notamment celle du collectionneur et homme d’affaires congolais Sindika Dokolo – pour que le continent puisse récupérer les trésors de son patrimoine. Trésors qui, outre leur valeur patrimoniale et spirituelle, peuvent atteindre des sommes records sur le marché.
La réponse des anciennes puissances coloniales est souvent la même : les pays africains sont-ils en capacité d’accueillir ces richesses et de les proposer au plus grand nombre en toute sécurité ? L’incurie de certains ministères de la Culture – au Bénin, une œuvre de l’artiste sud-africain Bruce Clarke fut, l’on s’en souvient, détruite au bulldozer – ne plaide pas toujours en leur faveur. Quoiqu’il en soit, la France comme le Royaume-Uni ou le Portugal ne pourront indéfiniment se contenter de non-réponses et de fins de non-recevoir. Leur comportement passé continuera de polluer le présent tant qu’ils refuseront de se rendre à l’évidence.
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