Tunisie : auditions de victimes du régime de Bourguiba
Des victimes de violations des droits de l’Homme ont de nouveau témoigné en public vendredi soir en Tunisie, un travail de mémoire considéré comme historique pour cette jeune démocratie.
Ces nouveaux témoignages, organisés par l’Instance vérité et dignité (IVD) et retransmis en direct à la télévision, ont concerné la période de l’indépendance de la Tunisie en 1956, après 75 ans de protectorat français.
L’IVD s’est notamment penchée sur le sort de certains partisans du nationaliste arabe radical Salah Ben Youssef, adversaire principal du premier président de la Tunisie Habib Bourguiba. Les deux hommes étaient partisans du Néo-Destour, le parti nationaliste créé en 1934, mais Ben Youssef en avait été exclu en 1955 avant d’être condamné à mort et à l’exil. Il avait mystérieusement été assassiné en 1961 en Allemagne.
« Malgré nos sacrifices, nous avons été traités de traîtres et non pas comme des combattants parce que nous étions des partisans de Salah Ben Youssef. Nous avons trop subi et nous avons été privés de nos droits », a déploré Omar Essid, un ancien combattant de 84 ans. « Je veux vivre respecté et non pas humilié et considéré comme un traître », a-t-il réclamé.
Lazhar Chraïti, autre résistant à la colonisation française, accusé d’avoir participé à une tentative de coup d’Etat contre Habib Bourguiba, avait été exécuté en 1963 et inhumé dans un endroit inconnu.
Dans un enregistrement vidéo diffusé lors de ces nouvelles auditions, sa veuve Ettaouess a raconté avoir été torturée pour avoir refusé de dévoiler la cachette de son mari, qui n’avait jamais été reconnu comme combattant sous le régime de Bourguiba. Aujourd’hui, ce qu’elle souhaite avant tout savoir, c’est où son mari a été inhumé. « Je veux récupérer sa dépouille et l’enterrer dans sa ville natale », a-t-elle expliqué.
Ces témoignages s’inscrivent dans un travail de mémoire rendu possible par la révolution de 2011 contre le régime de Zine El Abidine Ben Ali, et la rupture avec le système autocratique instauré par le père de l’indépendance Habib Bourguiba.
Les premières auditions avaient eu lieu les 17 et 18 novembre, donnant corps au processus de « justice transitionnelle » lancé fin 2013 avec la création de l’IVD. Cette dernière est chargée, en cinq ans maximum, de faire la lumière sur les multiples violations des droits de l’Homme des dernières décennies.
Créée durant la transition démocratique née de la révolution de 2011, l’IVD, une instance autonome, doit aussi réhabiliter les victimes et leur octroyer réparation.
La période sur laquelle elle enquête s’étend de juillet 1955 à fin 2013. Les crimes dont l’IVD peut être saisie vont de l’homicide volontaire à la torture, en passant par le viol, les exécutions extrajudiciaires, la privation de moyens de subsistance et la violation de la liberté d’expression.
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