Renouvellement du mandat de la Monusco : Kinshasa dit oui, mais…
Le Conseil de sécurité des Nations unies devait renouveler avant la fin du mois de mars le mandat de la Monusco, la mission onusienne en RD Congo. Pour les autorités congolaises, cela doit se faire moyennant quelques ajustements.
Kinshasa ne s’opposera pas au renouvellement, le 29 mars, du mandat de la Monusco. Léonard She Okitundu, vice-Premier ministre et ministre congolais des Affaires étrangères, l’a rappelé une semaine plus tôt devant le Conseil de sécurité de l’ONU. « Mais cela ne signifie pas que la RD Congo donne un chèque en blanc à la mission onusienne qui est déployée sur son territoire depuis 1999 sans grands résultats », nuance aussitôt une source diplomatique congolaise.
Ces dernières semaines, Kinshasa a dépêché ses diplomates dans les capitales occidentales pour tenter de faire entendre sa voix. À New-York, Barnabé Kikaya Bin Karubi, le principal conseiller diplomatique du chef de l’État congolais, dit avoir « fait la ronde de tous les représentants des cinq pays membres du Conseil de sécurité ».
Dans la capitale congolaise, des séances de travail ont également eu lieu début mars entre le ministère congolais des Affaires étrangères et une délégation d’experts français chargés de rédiger le draft de la résolution du Conseil de sécurité sur la Monusco. « Ils étaient réceptifs. Nous pensons que nos attentes seront prises en compte », espère Kikaya Bin Karubi.
Réduction souhaitée des effectifs des Casques bleus
Depuis Berlin, où il accompagne She Okitundu, le conseiller diplomatique du président Joseph Kabila confirme à Jeune Afrique le souhait des autorités congolaises de voir le Conseil de sécurité réduire la présence de la force de la Monusco dans sept provinces de la RD Congo. « Et nous avons le soutien de l’administration Trump qui estime aussi qu’il faut une réduction d’un quart de troupes onusiennes dans notre pays », affirme Kikaya Bin Karubi.
Dans l’ensemble du pays, l’effectif maximum autorisé, jusqu’ici, par les Nations unies est de 19 815 militaires, 760 observateurs militaires et officiers d’état-major, 391 policiers et 1 050 membres d’unités de police constituées.
Dans le Haut-Uélé, des Casques bleus uruguayens passent leur temps à compter les mouches.
Pour Kinshasa, il faudrait en effet une « réduction considérable » des troupes onusiennes dans le Haut-Uélé, district situé dans le nord-est du pays, où sont positionnés quelque 700 à 800 Casques bleus uruguayens. Ces derniers « passent leur temps à compter les mouches », tacle Kikaya Bin Karubi.
Il en est de même, selon lui, de quelque 2 000 autres Casques bleus bengalis et marocains déployés dans la province de l’Ituri, dans le nord-est de la RDC. Les autorités congolaises considèrent que ces forces onusiennes ne sont « pas adaptées pour faire face à une guerre asymétrique qui touche cette partie du territoire ». Allusion faite, entre autres, aux incursions des rebelles ougandais de l’Armée de résistance du seigneur (LRA) de Joseph Kony.
Dans la province de la Tshopo, Kinshasa plaide aussi pour retrait des Casques bleus ghanéens, uruguayens et bengalis : « Seule la présence de quelques unités pour protéger les installations de la Monusco et des autres agences du système des Nations unies s’y justifie. » Le gouvernement congolais ne voit pas non plus d’un bon œil le maintien de près de 500 Casques bleus dans la capitale.
Pour une « deuxième brigade d’intervention » de l’ONU
Quant au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, dans l’extrême est du pays, les autorités congolaises soutiennent également que, malgré la persistance des groupes armés locaux et étrangers, « la réduction de la force [de la Monusco] se justifie ». Quitte à remplacer les Casques bleus par une « deuxième brigade spéciale d’intervention » des Nations unies.
La première brigade a été déployée en 2013 et avait notamment aidé les Forces armées de la RDC (FARDC) à mettre fin à la rébellion du Mouvement du 23-Mars (M23). Elle comprend 3 069 soldats tanzaniens, sud-africains et malawites.
Priorité des Nations unies
Ces demandes de la RDC sont-elles prises en compte ? « La décision du Conseil de Sécurité sera guidée par la nécessité d’améliorer la protection des civils en RDC », répond une source onusienne à Kinshasa.
Dans son rapport publié le 10 mars, le nouveau secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, précise : « La [Monusco] adapte ses priorités, sa position et sa présence afin de pouvoir être en mesure d’utiliser tous les outils à sa disposition pour appuyer le processus politique et électoral, contribuer à la protection des civils, faire reculer la menace que représentent les groupes armés et aider aux efforts de stabilisation ».
Vers une commission d’enquête internationale ?
Mais ce que craint le plus Kinshasa, c’est l’éventualité d’une clause contraignante dans la résolution du Conseil de sécurité exigeant la mise en place d’une commission d’enquête internationale en RDC. D’autant que ces derniers mois, plusieurs nouveaux foyers d’insécurité se sont signalés à travers le pays, notamment dans le Kasaï-Central où des miliciens Kamwina Nsapu affrontent l’armée congolaise.
Nous nous opposerons à toute commission d’enquête internationale
Plusieurs vidéos largement relayées sur les réseaux sociaux montrent des soldats congolais en train de tirer à bout portant sur des civils non armés, présumés miliciens. « Une enquête de la justice militaire est déjà en cours. Nous nous opposerons donc à toute commission d’enquête internationale de nature à gêner notre souveraineté », prévient Kikaya Bin Karubi.
Entre-temps, dans la même province du Kasaï-Central, deux experts de l’ONU, l’Américain Michael Sharp et la Suédoise Zaida Catalán, sont portés disparus depuis le 12 mars. Lundi, au moins deux corps ont été découverts à proximité de la rivière Moyo, dans la même région. Pas sûr que les Nations unies se contentent d’une enquête de la justice congolaise pour élucider cette affaire.
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