Tunisie : comment faire (re)venir les touristes ?
« Comment faire revenir les touristes en Tunisie ? ». Telle fut la question posée le 23 mars dernier au Sénat, à Paris, par le groupe interparlementaire d’amitié France-Tunisie. A la clé, plusieurs solutions.
Plusieurs professionnels du tourisme et acteurs de la filière étaient présents pour un diagnostic pré-estivale des choses faites et à faire pour attirer à nouveau les touristes en Tunisie. Dans le même temps, les premières assises du tourisme tunisien – qui se tiennent du 22 mars au 22 mai –, doivent aboutir à un plan d’action gouvernemental pour soutenir le secteur jusqu’en 2020.
« Nous devons nous battre ensemble pour la paix, pour la solidarité et contre le terrorisme », a souligné Jean-Pierre Sueur, président du groupe d’amitié France-Tunisie du Sénat, avant de laisser la parole à Selma Elloumi Rekik, ministre tunisienne du Tourisme et de l’Artisanat.
Selon elle, « la Tunisie entame l’année 2017 avec beaucoup d’espoir et de détermination ». Évoquant la sécurité du pays, elle s’est voulue rassurante, affirmant que « le mal terroriste » était sur le point d’être vaincu. « La sécurité est rétablie », bien qu’il ne puisse exister de « risque zéro », a expliqué la ministre.
Et de conclure, avant de quitter − prématurément − les lieux : « La Tunisie vous salue et vous invite ! » Car plus que de la France, « c’est des Français dont le pays a besoin », précise Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur de la France à Tunis. La région Île-de-France et le Grand Tunis (Tunis, Ariana, Manouba et Ben Arous) ont signé en février un accord de coopération renforcée dans différents domaines, dont ceux du tourisme, du patrimoine et de la francophonie.
Plusieurs événements culturels au programme
L’année 2016 aura été celle du redémarrage touristique, s’accordent à dire les professionnels. Et la tendance se poursuivrait cette année, à en croire les chiffres de fréquentation des premiers mois de 2017 : jusqu’à 32% de croissance entre janvier et mars des marchés dits « traditionnels » (Français, Belges et Allemands), selon le ministère tunisien du Tourisme.
"Revenir en #Tunisie" 🇹🇳 retour en images sur le colloque organisé hier au #Sénat avec Selma Elloumi Rekik, @JP_Sueur et @O_Poivre_dArvor ⤵️ pic.twitter.com/UDGbkAaAsx
— Sénat (@Senat) March 24, 2017
Les Français n’étaient que 400 000 à avoir choisi la Tunisie l’an dernier, contre près d’1,5 millions avant 2011. « Mais il s’agit de touristes de qualité, qui sortent de leur hôtel, qui échangent », relativise Olivier Poivre d’Arvor. Pour les encourager à venir plus nombreux, dit-il, plusieurs événements doivent être organisés. À l’instar de l’opération « Djerba invite la France », de mai à septembre − qui sera reproduite au printemps 2018 à Sousse −, et d’une biennale de la photographie qui réunira en 2018 en Tunisie des artistes de différents pays. En 2020, le pays sera également le premier du Maghreb à accueillir le sommet de la Francophonie.
Pendant longtemps, la Tunisie s’est appuyée sur un tourisme de masse principalement balnéaire. Aujourd’hui, les autorités tunisiennes se tournent vers de nouveaux marchés pour combler la chute des séjours européens. Hormis les Algériens, nombreux à avoir voulu soutenir leurs voisins, des milliers de Russes et de Chinois, dispensés de visas pour la Tunisie depuis le 16 février 2017, se sont également laissés séduire par le soleil, les plages et les formules hôtelières à bas prix.
Développer un tourisme de niche
Mais ce système tend à s’essouffler et n’est pas si rentable, préviennent certains professionnels, qui lui préfèrent une approche plus spécifique et, selon eux, plus intéressante en terme de retombée économiques. « La diversification des offres ne peut être que bénéfique pour le pays et l’image qu’il renvoie », affirment-ils. Visant « la qualité et non le nombre », ce tourisme dit de niche se développe ainsi progressivement dans différents domaines : écologique, médical, culturel, etc.
Malgré les difficultés rencontrées depuis 2011 pour vendre la destination Tunisie, les professionnels français du tourisme sont optimistes. René Trabelsi, à la tête du tour-opérateur Royal First Travel, annonce d’ailleurs le lancement fin juin d’une ligne aérienne directe Paris-Tabarka (nord-ouest), pour faire découvrir « autre chose que Tunis, Djerba, Sousse et Monastir ».
Il espère également « presque 2 000 pèlerins » cette année au pèlerinage juif de la Ghriba à Djerba (du 12 au 14 mai), avec deux fois plus d’arrivées de l’étranger qu’en 2016. Mais certaines prestations doivent encore être améliorées pour redynamiser le secteur et reconquérir les voyageurs.
Parer à la dégradation environnementale
D’après Jürgen Bachmann, secrétaire général du syndicat des entreprises du Tour Operating (Seto), trois éléments influent sur le choix d’un vacancier : le vouloir, le pouvoir, et le savoir. Si en Tunisie, il y a « structurellement tout ce qu’il faut », il est important d’apprendre à se repositionner sur un marché très compétitif, dit-il. Et ce via une « communication moderne, dans l’air du temps, avec les différents outils disponibles aujourd’hui ».
Pour Richard Soubielle, vice-président des entreprises du voyage (syndicat français des agences de voyages) et grand amoureux de la Tunisie, des efforts restent encore à faire. D’un point de vue environnemental d’abord, il dénonce une dégradation : « Il faut se reprendre et agir au-delà des sites touristiques », car « l’Européen a aussi besoin de son confort visuel ».
La Tunisie c’est la méditerranée du cœur et le cœur de la Méditerranée.
« Il faut se préparer dès maintenant à changer de rythme, avant d’intégrer le marché très compétitif » de l’open sky (ouverture du ciel tunisien à d’autres compagnies aériennes, sans cesse repoussée par les autorités tunisiennes), prévient-il, déplorant par ailleurs une baisse du niveau des langues étrangères en Tunisie. « La Tunisie c’est la méditerranée du cœur et le cœur de la Méditerranée ». Et de citer le poète tunisien Abou el Kacem Chebbi : « Lorsqu’un jour le peuple veut vivre, force est au destin de répondre. »
Embaucher de jeunes communiquants
Mais ce qui manque surtout aujourd’hui au tourisme tunisien, ce sont « des médiateurs (…) bavards, sympathiques, chaleureux qui mettent les gens en confiance et savent leur expliquer le pays », selon l’écrivain et réalisateur Mohamed Raja Farhat. « La plupart des guides et animateurs touristiques ont besoin d’une nouvelle formation accélérée. Nous ne manquons pas d’historiens compétents, ainsi que de jeunes diplômés en histoire ou en lettres aujourd’hui au chômage. »
Ghazi Guerairi, ambassadeur délégué permanent de la Tunisie auprès de l’Unesco, insiste lui aussi sur la nécessité de diversifier l’offre touristique tunisienne en tenant compte des nouvelles donnes à la fois du pays et du marché.
Et surtout, éviter « la paresse touristique ou le tourisme paresseux » dans lequel tend à s’embourber la Tunisie. « La Tunisie doit parler plus, différemment, pour apporter des éléments nouveaux à sa carte de visite touristique » et en faire profiter l’ensemble du territoire. Et ce grâce à une meilleure communication.
S’appuyer sur le numérique
En octobre 2016, le ministère tunisien du Tourisme annonçait le lancement du nouveau portail « Discover Tunisia », traduit en six langues – bientôt neuf, informe l’Office national du tourisme tunisien (ONTT) –. L’organisme avait aussi mené une campagne originale en juin 2016 sous le hashtag #TrueTunisia, avec la diffusion d’images de la Tunisie en temps réel sur des écrans d’abribus connectés, à Paris, Berlin, Milan, Bruxelles et Londres.
Plusieurs Youtubeurs et blogueurs étrangers ont également été invités en Tunisie en 2016 pour en devenir des ambassadeurs sur la toile. En mars 2017, cinq nouveaux « influenceurs web » venus du Canada, de France et d’Espagne ont relayé leur périple tunisien sur les réseaux sociaux dans le cadre de la deuxième édition de la campagne #RiseTunisia.
https://www.instagram.com/p/BSBXlbRhtoh/?taken-by=yellowillow
https://www.instagram.com/p/BR57kKblkSv/?taken-by=vittto
Autre nouvelle : le lancement par Google de Street view en Tunisie. Une première au Maghreb. Sur Google Maps, les internautes peuvent désormais, depuis le 21 mars, se promener virtuellement dans quinze villes tunisiennes via des vues à 360°.
Cette nouvelle fenêtre sur le pays peut contribuer à « mieux consolider l’image de la Tunisie en tant que destination touristique, technologique et culturelle », s’est réjoui Anouar Maarouf, ministre des Technologies de l’information et de l’Économie numérique.
Des applications mobiles naissent aussi pour faire découvrir la Tunisie à travers ses richesses culturelles. Comme « Tunisie Passion », conçue par de jeunes Tunisiens du Orange Developer Center. L’opérateur téléphonique compte aussi lancer « Artisans d’art » en avril, pour mettre en avant le travail artisanal du pays.
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