Art contemporain : « Afriques Capitales », une cité africaine entre la poésie et la ruine

Jusqu’au 28 mai 2017 l’exposition « Afriques Capitales », orchestrée par le commissaire camerounais Simon Njami, est présentée à Paris. Avec une soixantaine d’artistes, celui-ci a créé une cité à nulle autre pareille où l’Humanité peut se voir en miroir et s’espérer plus belle.

Scène de l’exposition « Afriques Capitales », présentée à Paris jusqu’au 28 mai 2017. © Nicolas Krief

Scène de l’exposition « Afriques Capitales », présentée à Paris jusqu’au 28 mai 2017. © Nicolas Krief

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Publié le 29 mars 2017 Lecture : 3 minutes.

C’est une ville sentimentale, une capitale utopique, une cité poétique. Le commissaire d’exposition Simon Njami a certes posé des pluriels partout comme autant de précautions oratoires, il n’en demeure pas moins qu’Afriques Capitales, l’exposition présentée à La Villette, à Paris, jusqu’au 28 mai, a ouvert ses portes sur un lieu unique en son genre, une ville sans frontières où l’humanité se confie.

Parfois, les rassemblements d’artistes provoquent des cacophonies où chacun veut crier plus fort que l’autre, où l’on se pousse du coude pour hisser son « moi, je » au-dessus de la mêlée. Afriques Capitales n’est pas ce genre d’exposition. Ici, les artistes chantent ensemble.

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Les instruments sont différents, les voix dissonantes sont fréquentes, mais la symphonie urbaine que l’on entend dans cette Grand Halle – des abattoirs construits entre 1865 et 1867 ! – réunit plus qu’elle ne divise. Sans doute grâce à la magie de la scénographie, mais aussi grâce au choix des artistes invités.

Kaléidoscope

En démiurge attentif, Simon Njami voulait créer une ville où l’on puisse, « entendre toute la musique du monde », avec ses rues, ses bâtiments, son agora, son minaret. Les maisons sont là, mais il y a très peu de portes fermées. Les maisons sont aussi au-dessus de nos têtes, nous obligeant à regarder d’un autre point de vue.

 © Nicolas Krief

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Oeuvre magistrale que celle du Camerounais Pascale-Marthine Tayou qui nous menace tendrement de ses Falling houses aux toits de tôle et aux murs composés d’images diverses, comme un kaléidoscope de nos vies ! « Cette maison suspendue au plafond est la maison des dogmes, des joies, du répit, des peurs, des frustrations, du malheur, du bonheur. Cette maison c’est nous, c’est l’espèce humaine », dit-il.

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Chemins de traverse

Ici, pas de chemin tout tracé, pas de parcours obligatoire sous l’œil de flic du commissaire, la déambulation est libre, tous les chemins de traverse sont possibles.

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Une chambre d’étudiant africain peut avoir des murs tapissés de wasa, pain croustillant suédois (Pokoj, du Ghanéen Poku Cheremeh). Je suis africain peut s’écrire en chinois (Wo shi Feizhou / Je suis africain, de François-Xavier Gbré).

 © Nicolas Krief

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Un nuage peut être à la fois une menace et une promesse, un signe éphémère ou une preuve de la permanence des choses (Un rêve, de Nabil Boutros). Au détour d’une rue, sous un porche, toutes les rencontres sont possibles, la promenade réserve des surprises en nombre.

Joyeuse danse macabre

Ces surprises, elles ne sont pas toujours joyeuses, sans doute parce que le monde ne l’est pas. Mais quand l’actualité s’invite – le drame des migrants, la guerre, l’injustice – c’est sans pathos.

Une danse macabre peut offrir des promesses d’avenir (More Sweetly Play the Dance, du Sud-Africain William Kentridge) Le message politique n’a pas besoin d’être grandiloquent, il suffit qu’il soit ferme.

Ainsi, Ophelia de Lampédusa du Soudanais Hassan Musa comme Crossings, de la Marocaine Leila Alaoui assassinée en janvier 2016 à Ouagadougou évoquent-ils le drame méditerranéen avec pudeur.

Labyrinthes intimes

Entre la poésie et la ruine, nous marchons en équilibre. Et ce qui retranscrit sans doute le mieux ce funambulisme qu’est l’existence humaine, c’est le dialogue puissant unissant deux œuvres majeures d’Afriques Capitales.

 © Nicolas Krief

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Au centre ville, l’oeuvre de l’égyptien Youssef Limoud baptisée Labyrinth, des morceaux de murs blancs se maintenant miraculeusement entre eux constituent une structure chaotique pouvant s’écrouler d’un instant à l’autre, mais néanmoins assez solide pour abriter des hommes.

Un peu à l’écart, et à l’étage, un autre labyrinthe nous attend, cette fois fait de tissus blancs, architecture poétique et légère où l’on s’immerge comme entre les plis d’un rêve. L’oeuvre, signée par l’artiste Camerounais Maurice Pefura s’appelle Continuum et prolonge, comme d’autres œuvres de l’exposition, un travail présenté lors de la biennale de Dakar en 2016 (Non Stop City).

J’ai voulu créer un lieu praticable où l’on puisse s’immerger et se perdre.

« J’ai voulu créer un lieu praticable où l’on puisse s’immerger et se perdre, affirme-t-il. Il est possible de le traverser et de voir les gens qui le traversent. C’est presque à l’opposé de l’architecture, qui est une présence physique et concrète qui contraint le corps, force les contournements. » L’espace de Continuum − qui reprend un motif géométrique bamoun − est fluide et léger, physique et mental à la fois. L’intimité y est préservée et débarrassée de l’oppression du mur, de la frontière.

C’est là, sans doute, tout l’enjeu d’Afriques Capitales : abattre les murs qui séparent, ouvrir grand les portes et les fenêtres, ne se fermer à rien et laisser entrer un air neuf, vivifiant.

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