Les cliniques marocaines, un investissement comme un autre ?

Un projet de loi veut ouvrir le capital des établissements privés au-delà du monde médical. Le but : développer une meilleure offre de soins. Mais d’aucuns craignent un abandon des actes les moins rentables.

La clinique Badr, à Casablanca. ® Hassan Ouazzani pour JA

La clinique Badr, à Casablanca. ® Hassan Ouazzani pour JA

Publié le 6 janvier 2015 Lecture : 3 minutes.

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C’est le dossier chaud du moment. Après avoir été approuvé en mai par le secrétariat général du gouvernement, le projet de loi relatif à l’exercice de la médecine est soumis à l’examen des députés. L’article 60 fait particulièrement débat : il ouvre le capital des cliniques à des investisseurs étrangers au monde médical. Une source au ministère de la Santé indique que le projet « devrait être adopté d’ici à la fin de l’année ».

Avant d’être porté par le ministre Houcine El Ouardi, le projet, loin d’être nouveau, l’a été par ses prédécesseurs, Mohamed Cheikh Biadillah puis Yasmina Baddou, qui, lors du Printemps arabe, avait dû faire machine arrière. Les autorités le justifient par de « lourdes exigences d’efficacité, de qualité et d’efficience du système de soins » qui « imposent la diversification des modes d’exercice de la médecine et de nouveaux modes de financement et de gestion des structures de soins privés, qui deviennent de véritables entreprises ».

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Deux facs privées à Rabat et à Casablanca

Depuis la rentrée 2014, les étudiants en médecine ont le choix entre cursus privé et cursus public. Les fonds émiratis, à travers les fondations à but non lucratif Cheikh Zaid Ibn Soltan et Cheikh Khalifa Ibn Zaid, ont permis l’ouverture des universités Abulcasis à Rabat et Mohammed-VI à Casablanca, associées à un hôpital.

Recrutés par concours, les étudiants reçoivent une formation similaire à celle dispensée dans le public pour environ 10 000 euros par an. Ces établissements accueilleront également de futurs infirmiers et techniciens de santé.

Inquiétude

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Mais nombre de professionnels s’inquiètent des effets de cette réforme sur l’offre de soins pour les citoyens. « Après avoir détruit le système public de santé, l’État fait appel aux investisseurs privés non médicaux », dénonce Mohamed Naciri Bennani, président du syndicat national des médecins du secteur libéral. Et certains praticiens craignent que ceux-ci se concentrent uniquement sur les actes rentables, pour une population aisée souvent urbaine, au détriment des populations éloignées des centres de soins et surtout des plus pauvres.

« Quel investisseur acceptera d’installer un établissement dans une zone enclavée, avec une population vulnérable, où le médecin ne pourra pas effectuer un minimum d’actes par jour faute de patients ? » interroge Jaâfar Heikel, médecin épidémiologiste et président du Collège national des médecins gestionnaires. Une inquiétude partagée par Mohammed Chahbi, directeur de la clinique de l’oeil à Casablanca.

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Selon lui, la question n’est pas l’offre de soins – le taux d’occupation des lits ne dépasse pas les 60 % -mais bien la solvabilité des patients, dans un pays où les dépenses de santé sont faibles (110 euros par an et par habitant, contre 177 euros en Tunisie ou 266 euros en Jordanie).D’autant que beaucoup de professionnels redoutent une hausse du prix de l’acte médical. Le docteur Chahbi défend une autre voie : « La profession encourage les partenariats public-privé et appelle l’État à assumer son rôle de régulateur dans l’offre de soins. »

Starting-blocks.

S’ils observent la plus grande discrétion, les investisseurs sont déjà dans les starting-blocks. En 2012, le groupe émirati Tasweek Real Estate Development & Marketing avait fait part de son projet de construire un complexe de tourisme médical à Marrakech. Et la société d’aménagement Zenata, filiale de la Caisse de dépôt et de gestion (CDG), recherche un opérateur pour son futur pôle santé. On connaît également les intentions du groupe Saham de déployer des centres de santé en Afrique. Des assurances – sa spécialité – aux cliniques en passant par les médicaments, il entend couvrir toute la palette des services. L’assureur Axa se dit intéressé, mais sous réserve de rentabilité. « En tant qu’investisseur institutionnel, nous considérons la santé comme n’importe quel autre secteur », avoue Michel Hascoët, président du groupe au Maroc.

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