Farid Fezoua, GE Healthcare Afrique : « Le continent est un laboratoire pour valider des hypothèses technologiques »
Le patron Afrique du leader mondial de l’imagerie médicale mise sur la formation et l’innovation. Son objectif : diagnostiquer et dispenser les premiers soins jusque dans les zones les plus reculées.
Technologies : les promesses de la m-santé
Prévention des épidémies, lutte anticontrefaçon, suivi des patients… Les services spécialisés sur mobile se multiplient. Mais leur défaut de modèle économique freine encore leur progression.
Depuis sa nomination en juin 2012, le numéro un de General Electric (GE) Healthcare Afrique, la branche santé du conglomérat américain pour le continent, a deux credo : promouvoir les partenariats pour proposer des solutions durables en amont et en aval de la vente de ses équipements et miser sur la formation, le réseau de distribution et les services de maintenance pour étendre la diffusion de ses technologies.
Muet sur les investissements de GE Healthcare en Afrique comme sur ses résultats, Farid Fezoua est en revanche intarissable sur les formations, l’un de ses axes stratégiques de développement, qui se déploient dans les champs de la cancérologie et de la santé materno-infantile.
Propos recueillis par Fanny Rey
Jeune Afrique : Début août, lors du sommet États-Unis-Afrique, GE a annoncé un investissement de 2 milliards de dollars [1,5 milliard d’euros] d’ici à 2018. Dans quelle mesure la branche santé du groupe est-elle concernée ?
Farid Fezoua :À Washington, aucune donnée chiffrée sur la distribution de cette somme n’a été communiquée. Mais pour le volet santé, nous avons annoncé deux investissements : un premier de 500 000 dollars dans le cadre de la lutte contre le cancer en Éthiopie, en partenariat avec le George W. Bush Institute, très actif en Afrique, et le Pepfar [Plan présidentiel d’urgence contre le sida] ; et un second d’un montant de 20 millions de dollars pour développer des programmes de formation destinés aux professionnels de santé. Outre la conception et l’équipement technologiques, notre action doit s’inscrire, plus en amont, autour de la formation et des services de maintenance.
Comment élargissez-vous votre présence en Afrique ?
Historiquement, nous sommes bien implantés au Nigeria, en Algérie, en Afrique du Sud et en Égypte. Et ces trois dernières années, nous avons bien progressé en Afrique subsaharienne, notamment en Afrique de l’Est. Nous accordons une attention toute particulière à la formation de cadres et de spécialistes locaux. GE s’est engagé à ce que l’Afrique soit gérée depuis l’Afrique.
Comment poursuivez-vous votre développement sur le continent ?
Nous souhaitons étendre nos implantations dans plusieurs pays et sous-régions clés. En Angola, par exemple, nous avons un projet important de modernisation d’une quarantaine d’hôpitaux publics. Notre développement s’appuiera également sur l’extension de notre réseau de distributeurs locaux, en mettant l’accent sur le qualitatif et sur une gestion plus structurée.
Alger a été choisie pour accueillir votre premier centre de formation aux technologies de pointe en matière d’oncologie et de cardiologie. Prévoyez-vous d’en ouvrir d’autres sur le continent ?
Dans le cadre de notre partenariat avec le ministère algérien de la Santé, nous avons établi un état des lieux des besoins et mis en place sept formations focalisées sur les ultrasons et les scanners. Environ 140 praticiens du privé ont été formés la première année. Nous avions comme objectif d’en former un millier mais nous avons été très occupés par les demandes du ministère…
En parallèle, 215 cadres de santé algériens ont bénéficié de notre expertise de formation en management. Nous envisageons effectivement de développer des projets similaires dans deux autres pays d’Afrique subsaharienne, mais il est encore trop tôt pour en dire davantage. En Algérie, nous avons aussi mené avec succès une mission d’optimisation des services d’urgence auprès du plus grand centre hospitalier universitaire du pays. Nous allons étendre cette expérience à la wilaya d’Alger, voire plus largement dans le pays.
En Afrique subsaharienne, la diffusion de technologies à moindre coût constitue aussi un élément clé de votre stratégie…
Ces trois dernières années, l’Afrique a été un laboratoire pour valider un certain nombre d’hypothèses dans le domaine de la technologie. Il ne s’agit pas simplement de la réduire à des équipements ou d’en simplifier l’utilisation mais de l’adapter à l’environnement et aux compétences des professionnels de santé. Pour travailler dans les zones rurales, nous avons imaginé le Vscan, un échographe tenant dans la paume de la main.
Autre exemple de cette « innovation inversée » : un équipement d’anesthésie destiné aux salles de chirurgie rurale, lancé à Nairobi en novembre 2012. Ce produit est robuste, simple d’utilisation, aussi fiable que les appareils occidentaux. Il offre une autonomie de plus de six heures et permet de se déplacer. Le Vscan, la couveuse Lullaby et notre système de photothérapie à LED, pour soigner la jaunisse du nouveau-né, ont été retenus par l’Organisation mondiale de la santé [OMS] pour leur caractère innovant.
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Depuis 2013, vous avez multiplié les partenariats emblématiques avec des ministères de la Santé subsahariens. Avec quels résultats ?
En dix-huit mois, nous avons noué des partenariats très divers, répondant à différents défis. Concernant la mortalité materno-infantile, par exemple, nous nous sommes rapprochés du ministère de la Santé au Ghana, en proposant des technologies adaptées comme le Vscan. Ensemble, nous avons mis en place un cursus pour former les sages-femmes et les personnels de santé.
En Tanzanie, nous avons distribué cinq Vscan et mis en place la formation de quatorze sages-femmes, ce qui a entraîné une hausse spectaculaire du nombre de visites prénatales.
Et au Nigeria, un protocole d’accord signé en mai dernier va permettre un transfert de savoir-faire et de technologies et donc aider le gouvernement à développer ses infrastructures de santé. Il va aussi se traduire par la formation d’un millier d’employés cliniciens dans dix États du pays. Au rythme actuel, nous aurons formé 600 professionnels de santé d’ici à la fin de l’année.
Quels sont les critères qui guident vos partenariats avec, d’un côté, les établissements de soins que vous équipez et, de l’autre, les investisseurs ?
Il y a des critères de qualité et d’intégrité, pour les opérateurs médicaux comme financiers, et d’autres plus techniques. Les investisseurs doivent être capables d’évaluer les risques à prendre en Afrique.
Les partenariats public-privé sont-ils la solution pour développer le secteur hospitalier en Afrique ?
Oui, mais ils pourraient être plus efficaces s’ils étaient bien structurés. Ils s’inscrivent souvent dans une réglementation très complexe alors qu’il faudrait des projets pilotes simples et ciblés, permettant de structurer une solution économiquement viable. La bonne nouvelle, c’est qu’il y a un intérêt croissant des opérateurs privés pour les projets de santé en Afrique, ce qui peut donner de beaux résultats comme au Nigeria, grâce au consortium entre l’American Hospital d’Abuja, GE Healthcare et le capital-investisseur Édifice Capital, en février dernier. Celui-ci va permettre de mettre sur pied le premier hôpital spécialisé en cardiologie du pays. C’est ce type de partenariat qui fera la différence.
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