Les Brasseries du Maroc sont sous pression
Le leader local de la bière a vu ses bénéfices fondre de 43 % au premier semestre, pénalisé par les taxes et les interdictions visant la vente d’alcool. Mais il devrait remonter la pente en 2015.
La Kania suffira-t-elle à relancer le groupe ? Cet été, les Brasseries du Maroc ont repris la production de cette bière d’entrée de gamme pour tenter de redresser les ventes après leur effondrement, au premier semestre 2014. Au cours de cette période, la filiale de Castel, qui règne sans partage sur le marché chérifien de la bière, n’en a écoulé que 343 000 hectolitres, contre 394 500 l’année précédente, soit une baisse de 13 %.
Plusieurs facteurs sont en cause. La fermeture des rayons alcool dans les hypermarchés Marjane, d’abord, a fortement secoué le groupe. Elle est responsable à elle seule de 10 % de la chute des ventes. Ensuite, la demande diminue au Maroc du fait de l’augmentation récurrente de la taxe intérieure de consommation (TIC) sur la bière depuis l’arrivée au pouvoir du Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste), en 2011. Cette année, l’impôt a atteint 89 euros par hectolitre, contre 45 euros trois ans auparavant, entraînant une baisse de la consommation. Enfin, la saison estivale, durant laquelle les ventes grimpent d’ordinaire, a coïncidé avec le ramadan. Résultat, les bénéfices ont fondu de 43 % au cours du premier semestre.
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Effet limité
Dans ce contexte difficile, « faire renaître Kania est une bonne stratégie, car une grande partie des consommateurs de bière a peu de moyens », explique un analyste de Casablanca, où le groupe est coté. En effet, face à des prix en hausse, certains clients se tournent vers d’autres produits à bas prix ou vers le marché informel, qui représenterait 5 % à 7 % du marché marocain. Pour l’instant, au siège de l’entreprise, on ne souhaite pas commenter l’impact de la renaissance de Kania sur les ventes. Mais l’effet sera limité, disent tous les spécialistes interrogés. « Il s’agit seulement de contrer les bières low cost, l’idée n’est pas d’aller chercher beaucoup de volume », affirme un expert de Casablanca Finance Group (CFG).
D’autant plus que cette bière, vendue 8 dirhams (0,70 euro) la canette contre 15 dirhams pour la Heineken, est commercialisée exclusivement dans les magasins Label’Vie. Interrogé sur ses prévisions pour le deuxième semestre 2014 – les résultats n’ont pas encore été publiés -, l’analyste de CFG estime que la chute des ventes devrait avoir ralenti. « On pense qu’il y a eu une reprise au cours des derniers mois, car l’effet Marjane est désormais absorbé », précise-t-il. Mais 2015 apparaît déjà comme une année en demi-teinte pour le groupe, qui totalise une capitalisation boursière de 6,37 milliards de dirhams.
Certes, les trois facteurs extérieurs qui l’ont fortement secoué en 2014 ne devraient pas se conjuguer avec la même intensité l’année prochaine. D’une part, la consommation devrait légèrement reprendre, notamment parce que la loi de finances 2015 ne prévoit pas de nouvelle hausse de la TIC. Et d’autre part, le ramadan débutera plus tôt, « ce qui améliorera la performance du groupe », selon Julien Veron, analyste chez Investec.
Fermeture.
Cependant, après Marjane, les supermarchés Acima, qui appartiennent au même holding, vont annoncer eux aussi la fermeture de leurs rayons alcool l’année prochaine. Les consommateurs devraient se tourner vers d’autres commerçants, parmi les 1 500 points de vente d’alcool du pays, obligeant les Brasseries du Maroc à s’adapter. « La société va devoir réviser sa stratégie de distribution et rediriger une partie des ventes en grande surface [Label’Vie est désormais son plus gros client] vers les détaillants. Cela rendra la logistique plus complexe, mais aussi plus profitable, estime Julien Veron.
Disposant déjà de la franchise Nicolas au Maroc, l’entreprise pourrait aussi considérer le lancement de sa propre chaîne de magasins, spécialisée dans la distribution des boissons alcoolisées. » Dans ce contexte, le cabinet d’analyse financière AlphaMena a estimé dans une note publiée fin octobre que le chiffre d’affaires du groupe ne progressera pas jusqu’en 2016 (il prévoyait auparavant une hausse moyenne de 5 %). Il recommande même aux investisseurs d’ »alléger » leur portefeuille. Mais ces derniers semblent malgré tout soutenir le titre, qui apparaît comme une valeur de portefeuille dans un marché très peu liquide (les volumes échangés sont faibles).
Depuis le début de l’année, le cours de l’action des Brasseries du Maroc (2 200 dirhams, au 17 décembre) a même timidement progressé, de 1,81 %. « La valeur offre un bon dividende, autour de 4 % en 2013. C’est inférieur au marché mais cela reste correct, juge notre expert casablancais. Pour les institutionnels, c’est une raison valable de garder le titre, même si les perspectives ne sont pas très bonnes. »
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