Gabon : petits ajustements pour grande échéance
Les piliers du gouvernement gabonais ont été maintenus dans leurs fonctions, le 3 octobre, mais ils ont senti passer le vent du boulet. Le chef de l’État Ali Bongo Ondimba est bien décidé à leur mettre la pression avant 2016.
Le 3 octobre, Ali Bongo Ondimba a encore fait tomber des têtes à l’occasion d’un cinquième remaniement en cinq ans. Lors d’une interview accordée début septembre à Jeune Afrique (no 2800), le chef de l’État gabonais avait dressé un bilan mitigé de l’action gouvernementale. "Peut mieux faire" et "doit mieux faire", nous avait-il confié. La sentence est donc tombée, mais, en lieu et place du grand ménage habituel, il a procédé par petits ajustements.
Ali Bongo Ondimba, l’amateur de football, a jusqu’à présent cherché une équipe type. Il semble en avoir enfin trouvé la colonne vertébrale : le Premier ministre, Daniel Ona Ondo, dont le poste n’était pas menacé, reste le principal animateur. Sur son bureau, le Plan stratégique Gabon émergent (PSGE), dont le président exige la mise en oeuvre accélérée. Jugés aux résultats, les ministres conservent leurs maroquins ou prennent la porte s’ils ne montrent pas de réelles aptitudes à travailler selon ce programme.
Principal enseignement du dernier remaniement : le Premier ministre est conforté. Quant aux ministres au profil technocrate, ils montent en grade plus vite s’ils prennent de l’épaisseur sur le terrain politique. Ainsi Régis Immongault, économiste affable et discret qui a fait ses classes au Trésor avant d’entrer au gouvernement – où il a survécu à toutes les tempêtes -, a-t-il été promu à un grand ministère de l’Économie, de la Promotion des investissements et de la Prospective.
Soigner ses liens avec le Haut-Ogooué, le fief familial
Promu aussi, Jean-Pierre Oyiba, qui hérite du ministère de la Santé et de la Prévoyance sociale. Un temps tombé en disgrâce après sa démission, consécutive au scandale des détournements de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac), ce proche du président est revenu au premier plan – et dans les petits papiers du chef – depuis qu’il a été élu député de Franceville (il était déjà ministre délégué à l’Intérieur dans le précédent gouvernement). Ce retour en grâce permettra au chef de l’État, probable candidat du Parti démocratique gabonais (PDG) à la présidentielle de 2016, de soigner ses liens avec le Haut-Ogooué, le fief familial.
La longévité au gouvernement de Magloire Ngambia, qui est demeuré chargé des Infrastructures (même s’il a perdu des domaines de compétences), n’est pas non plus le fruit du hasard. Pour avoir construit 400 km de routes en cinq ans (un record national) et fait sortir de terre les premiers logements sociaux qu’on tardait à construire, il enlève une épine du pied à Ali Bongo Ondimba en concrétisant une promesse électorale. Ngambia associe du même coup son nom aux réalisations quantifiables du septennat.
L’autre enseignement de ce réaménagement est que la proximité avec le chef n’est plus un paratonnerre qui suffit à protéger des foudres du Palais. Un "émergent" de la première heure, qui plus est proche du président, a été contraint à la démission le 31 août. Lynché par la presse et lâché en Conseil des ministres pour sa gestion catastrophique de la crise née du baccalauréat 2014, Léon Nzouba a rendu son tablier. Il a été remplacé le 3 octobre par Ida Reteno Assonouet à la tête de l’Éducation nationale.
À noter que quatre autres ministres, moins emblématiques, ont pris la porte : Brigitte Anguilé Mba (Prévoyance sociale), Fidèle Mengué M’Engouang (Santé), Serge-Maurice Mabiala (Fonction publique) et Raphaël Ngazouzet (délégué aux Transports).
Ce gouvernement sera-t-il le dernier avant la présidentielle de 2016 ? Rien n’est moins sûr. La nouvelle équipe n’a enregistré aucune entrée significative. La plupart des nouvelles figures sont des ministres délégués, dont certains attendent encore qu’on leur attribue un domaine de compétences. De plus, les partis alliés ont été oubliés. Il est donc probable que, en prélude à la présidentielle, l’équipe se renforce de personnalités dont l’ancrage local facilitera la campagne électorale.
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