RDC : nommer un nouveau Premier ministre suffira-t-il pour sortir de la crise ?
Après l’échec des négociations sur les modalités d’application de l’accord de la Saint-Sylvestre, le président congolais, Joseph Kabila, a décidé de nommer d’ici vendredi un nouveau Premier ministre. Mais cela suffira-t-il pour sortir la RDC de l’impasse politique en cours ?
Quelque trois mois, puis s’en va ? Samy Badibanga n’a en effet plus d’autre choix que celui de rendre le tablier. Le Premier ministre congolais, arrivé aux affaires le 19 décembre, doit normalement déposer sa démission avant la nomination de son successeur annoncée par le chef de l’État, Joseph Kabila, pour ce vendredi 7 avril au plus tard.
Cela ne serait qu’une « conséquence logique », commente l’un de ses vice-Premiers ministres, désormais prêt à expédier les affaires courantes. Un nouveau gouvernement dit d’ « union nationale » est lui aussi attendu dans les prochains jours. Et il doit être dirigé par un membre du Rassemblement, principale plateforme de l’opposition congolaise, suivant l’accord de la Saint-Sylvestre.
Ancien conseiller politique d’Étienne Tshisekedi, Samy Badibanga ne fait pas partie du Rassemblement. Ce qui réduit à néant ses chances d’être reconduit à la tête de la future équipe gouvernementale. Lui qui, pourtant, n’a cessé de revendiquer le statut de chef de l’opposition institutionnelle, fort d’une quarantaine d’élus du groupe parlementaire UDPS et alliés dont il était le président à l’Assemblée nationale.
Un poste pour cinq prétendants ?
Mais qui pour succéder à Badibanga ? « Nous nous en tenons à l’application stricte de l’accord du 31 décembre 2016, lequel dit clairement que le Premier ministre doit être présenté par le Rassemblement », martèle Raph Kabengele, conseiller politique et diplomatique de Félix Tshisekedi. « Nous n’allons donc pas sortir du schéma consacré dans un accord reconnu par le Conseil de sécurité et placé sous le chapitre 7 des Nations unies par sa résolution 2348 adoptée fin mars », développe celui qui était jusqu’ici l’un des experts du Rassemblement au dialogue politique et très proche collaborateur de l’opposant historique Étienne Tshisekedi, décédé à Bruxelles le 1er février.
Autrement dit, la position du Rassemblement n’a pas changé. Félix Tshisekedi, son nouveau président, demeure son seul et unique candidat Premier ministre. Pour ce regroupement politique, tous les frondeurs qui revendiquent le même poste ne répondraient qu’à une stratégie de « débouchage » mise en place par le camp Kabila.
Dans le viseur : Raphaël Katebe Katoto, demi-frère de Moïse Katumbi et ancien membre du conseil des sages du Rassemblement. Mais aussi Bruno Tshibala, ancien secrétaire général adjoint de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, parti d’Étienne Tshisekedi), Roger Lumbala, ex-allié de la rébellion du Mouvement du 23-Mars (M23) et Valentin Mubake, ancien conseiller d’Étienne Tshisekedi, exclu mardi de l’UDPS pour avoir rencontré Joseph Kabila contre l’avis du parti.
Il y a également le nom de Félix Tshisekedi sur la liste remise à Kabila, confirme Joseph Olenghankoy.
Joseph Olenghankoy, à la tête de la fronde, confirme à Jeune Afrique que les noms de ces prétendants sont bien repris sur la liste des candidats au poste de Premier ministre qu’il a remise le mardi 4 mars à Joseph Kabila. « Il y a également le nom de Félix Tshisekedi puisqu’il représente la tendance katumbiste du Rassemblement », précise le président des Forces novatrices pour l’unité et la solidarité (Fonus) qui se considère désormais comme le « successeur légitime d’Étienne Tshisekedi » au conseil des sages du Rassemblement.
C’est d’ailleurs « en qualité du président du Conseil national de suivi de l’accord » − poste qui reviendrait, selon l’accord, à Pierre Lumbi, nouveau président du conseil des sages du Rassemblement − qu’il dit avoir remis cette liste au chef de l’État. Pour lui, « nommer un Premier ministre en dehors de ces cinq noms constituerait une violation de l’accord ».
« Un pas vers la bonne direction »
« S’il veut jouer la carte de l’apaisement, le président Kabila devra surprendre l’aile radicale de son camp et désigner le candidat du Rassemblement que dirige aujourd’hui Félix Tshisekedi. C’est l’option la plus responsable pour débloquer la situation », analyse un diplomate basé à Kinshasa, agacé par le « statu quo entretenu depuis plusieurs mois par la Majorité présidentielle ».
Si Félix Tshisekedi est nommé Premier ministre, ce serait un pas vers la bonne direction.
Dans tous les cas, Kabila a toujours surpris. Du haut de ses 45 ans, l’homme dont le second mandat à la tête du pays a expiré le 19 décembre reste imprévisible. Un de ses collaborateurs les plus proches nous confiait récemment qu’ « il est difficile d’anticiper les décisions du chef ». Vital Kamerhe, ancien président de l’Assemblée nationale, en sait quelque chose. Pressenti Premier ministre pour avoir rendu possible le précédent dialogue de la Cité de l’OUA, l’ex « attaquant de pointe » de la kabilie n’avait pas été nommé chef du gouvernement. À la surprise générale, Kabila avait jeté son dévolu sur Badibanga.
Dans l’entourage de Félix Tshisekedi, on se veut tout de même « confiant ». Malgré le fait que leur champion a boudé les consultations de Kabila, l’hypothèse de sa nomination vendredi au poste de Premier ministre ne serait donc pas totalement exclue. Au contraire. « À titre personnel, j’y crois même à 70% », glisse Raph Kabengele, son conseiller.
« Si Félix Tshisekedi est nommé Premier ministre, ce serait un pas vers la bonne direction, ajoute-t-il. Une façon pour Kabila de pousser sa famille politique à signer enfin l’arrangement particulier relatif à la mise en œuvre de l’accord de la Saint-Sylvestre. Car aujourd’hui toutes les institutions électives du pays, le président de la République y compris, ne tiennent que grâce à ce compromis politique. »
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