Tunisie : quand la thèse tombe à plat
Si l’on veut prouver qu’un fait implique un résultat, il suffit de montrer que le contraire du résultat implique le fait contraire.
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Aida Boukhris
Chercheuse associée à l’Université Friedrich-Alexander à Nuremberg (Allemagne)
Publié le 11 avril 2017 Lecture : 3 minutes.
Petit tour de logique mathématique : A implique B équivaut à non (B) implique non (A). Par exemple, quand je dis que si « un animal est un oiseau » (A) alors « il a des ailes » (B). Si je vois un animal sans ailes, non (B), alors je sais que ce n’est pas un oiseau, donc non (A).
Récemment une thèse en géologie affirmant que la terre était plate a provoqué un tollé et l’indignation de la communauté scientifique tunisienne. Dans cette thèse, l’étudiante et son érudit professeur partent de l’hypothèse que l’Islam mentionne que la terre est plate, et ont tenté de le prouver. Considérant donc A : l’Islam et B : « la terre est plate », ils affirment que A implique B. Or les outils modernes et scientifiques, à commencer par l’observation des images satellites, nous prouvent que la terre est plutôt ronde, plus exactement qu’elle est de figure ellipsoïdale, et donc absolument pas plate. Ces outils prouvent ainsi le contraire de B, ou non (B).
Donc finalement, ces deux illuminés auraient-ils réussi à prouver « scientifiquement », là où beaucoup d’autres ont échoué, que l’Islam est absolument faux, ou non (A) ? Pas si vite.
L’ambiguïté des textes religieux
Il n’y a guère mention absolue de la platitude de la terre dans le Coran. Prouver qu’une religion ou une autre n’est que contes et chimères n’est guère tâche facile vue la complexité et l’ambiguïté des textes religieux. Cette ambiguïté en appelle à l’interprétation plus qu’aux expérimentations cartésiennes, requérant une analyse méticuleuse et une maîtrise soutenue de la langue arabe et de ses subtilités.
Il ne s’agit pas de prouver la véracité absolue du texte, ce serait comme essayer d’attraper de l’eau, mais plutôt de s’attarder sur les possibles significations et discuter les diverses perspectives selon lesquelles le texte peut être compris. Le scientifique aussi s’adonne à un exercice similaire, autorisant son esprit à se torde et s’étendre, non sans douleurs et crampes, jusqu’à obtenir une réponse à sa question initiale.
En somme, je ne suis ni érudite en arabe ni experte en exégèse pour m’attarder sur ce problème. Ce que je sais en revanche, c’est que le principe de la science n’a jamais été de croire, d’avoir la foi ou d’embrasser aveuglement les perspectives et visions des collègues et consœurs, mais au contraire de les critiquer, et de construire sur la base de ce qu’ils avancent. L’adoption absolue d’une vision ou d’une autre expose au dogmatisme et à la rigidité intellectuelle, pires fléaux à tout développement intellectuel et sociétal.
Ternir davantage l’image de l’Islam
Deux versions qui ont été toutes deux prouvées empiriquement peuvent tout à fait coexister et même se complémenter. Tel est le cas du débat sur la nature de la lumière au 17e siècle, quand Huygens défendait la thèse de l’onde contre Newton qui la voyait comme un flot de corpuscules ou photons. Plus tard, les travaux d’Einstein et de bien d’autres ont convenu que, malgré l’antinomie des deux modèles, tous les objets possèdent pourtant une double nature d’onde et de corpuscule.
Il est aussi bien accueilli dans la communauté scientifique de remettre en cause l’universalité d’une thèse et de mettre en exergue ses limites d’application. Mais encore faut-il la soumettre au test. Le procédé, de l’hypothèse à la conclusion, doit être soutenu par une démarche méticuleuse et un raisonnement logique. La méthode se doit d’être rigoureuse.
Cette thèse et son approche, je les dénonce, elles sont vides de sens et de science.
Cette thèse et son approche, je les dénonce, elles sont vides de sens et de science. Je trouve même assez comique cette entreprise, qui est de commencer par de la non science, ni observée ni observable, pour démontrer que la science a tort, le tout sous l’ombrelle d’une méthode dite scientifique. Et au final, tout ce qu’on parvient à faire c’est de ternir davantage l’image d’une religion qui souffre déjà des pratiques de certains de ses crédules adeptes.
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