Faut-il changer les jours fériés en France ?

En France, l’idée de changer le calendrier des jours fériés fait son chemin. Elle avait été suggérée dans le passé par l’ex-députée Eva Joly, elle vient d’être relancée par la Fondation Terra Nova.

Un vitrail du mausolée de la cathédrale romaine de Los Angeles en Californie. © Andreas Praefcke/CC/wikipédia

Un vitrail du mausolée de la cathédrale romaine de Los Angeles en Californie. © Andreas Praefcke/CC/wikipédia

Fawzia Zouria

Publié le 17 avril 2017 Lecture : 3 minutes.

Dans un rapport publié le 22 février, ce think tank proche du Parti socialiste a proposé de remplacer deux fêtes chrétiennes – les lundis de Pâques et de Pentecôte –, habituellement chômées, par une fête juive et une fête musulmane – en l’occurrence Kippour et l’Aïd-el-Kébir.

Mon premier réflexe fut de me demander : mais pourquoi déshabiller Paul pour habiller Joseph ou Ali ? Il faut laisser à Jésus ce qui lui appartient et, plutôt que d’opérer par soustraction, additionner les fêtes, voire en ajouter : les bouddhistes, les taoïstes et les confucianistes français n’ont-ils pas droit à leurs jours fériés eux aussi ? La France deviendrait alors le pays qui compte le plus de fêtes religieuses chômées. Pour une république laïque, avouez que ce serait une hérésie !

Pourquoi choisir l’Aïd el-Kébir et pas l’Aïd el-Fitr ?

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L’autre question qui m’est venue à l’esprit : pourquoi choisir l’Aïd el-Kébir et pas l’Aïd el-Fitr ? C’est un mauvais tri. Moi, j’adore l’Aïd el-Fitr, il clôt en beauté le ramadan et comble les gamins de cadeaux. Ensuite : comment décider d’une date fixe pour l’Aïd et le caler sur un lundi de Pâques, alors qu’il change chaque année puisqu’il obéit au calendrier lunaire ?

Enfin, je me suis souvenue de l’Aïd en terre d’Islam, un moment de communion générale et une manifestation collective et publique ; l’occasion où toute la vie sociale s’arrête pour laisser place à de grandes retrouvailles. On fait le tour des proches, on renouvelle son respect à la grand-mère et au frère aîné, on demande pardon à ceux qu’on a offensés, on rend visite à nos aïeux dans les cimetières. Comment ressentir le goût de la fête si je n’ai pas à faire le tour de la tribu, à passer le seuil de tous les voisins aux alentours, à me sentir dans un pays qui vibre tout entier dans la force de la commémoration ?

Et puis, il faut que je vous avoue ma peur qu’une telle proposition ouvre la voie à toutes sortes de revendications religieuses et fasse de la République une machine à fabriquer des produits de cultes. Je crains qu’elle ne pousse vers plus de communautarisme. Pour ce qui est des musulmans, en tout cas, la proposition induit l’idée que l’islam est la norme et que le musulman français lambda est forcément pratiquant ; que sa demande serait religieuse avant tout. Il passerait son temps à se battre pour l’Aïd, le halal et le voile. C’est faux.

La priorité du musulman de France n’est pas de décrocher un jour férié mais de trouver un boulot, une justice, du respect

La demande du musulman de France est d’abord sociale, économique et politique. Elle ne concerne pas un meilleur statut de croyant mais un statut de citoyen à part entière. Sa priorité ne consiste pas à décrocher un jour férié dont il n’a que faire s’il est chômeur, mais à trouver un boulot, une justice, du respect. Le jour où ces conditions seront réunies, le mahométan français trouvera lui-même les moyens de vivre plus sereinement sa religion.

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Il me pèse en effet de voir qu’on veut nous rendre plus musulmans que musulmans et, tout à la fois, nous reprocher de l’être. Il me peine de constater que la République aime à traiter avec les imams plutôt qu’avec les laïques, à faire passer les pratiques de la foi avant les exigences de la citoyenneté.

Il faut être juste et loyal. À ceux parmi nous qui s’indignent qu’une telle mesure ne soit pas déjà prise se pose la question suivante : y a-t-il de nos jours un seul pays musulman capable d’instaurer Noël ou Kippour comme jour férié ? Seriez-vous capable d’exiger la réciprocité dans vos pays d’origine ? Tant il est vrai que devenir adulte et sujet de son Histoire, c’est demander, pour l’autre, ce qu’on demande pour soi-même.

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