Corruption au Nigeria : une ONG et des journalistes pointent Shell du doigt
Un rapport publié ce lundi par une ONG et un réseau de journalistes d’investigation affirme que les deux compagnies Shell et Eni ont versé de l’argent pour acquérir un bloc de pétrole off-shore nigérian, tout en sachant que l’argent n’irait pas au gouvernement nigérian mais à des individus.
L’étau se resserre pour Shell et Eni. Les ONG Global Witness et le réseau de journalistes d’investigation Finance Uncovered ont publié ce lundi un rapport qui accuse les deux sociétés d’avoir su que l’argent versé pour l’acquisition d’un immense contrat pétrolier n’irait pas au gouvernement nigérian, mais à des individus.
« Notre enquête (basée essentiellement sur la fuite d’emails envoyés entre les dirigeants des compagnies pétrolières, ndlr) a réuni les preuves que les principaux patrons ont participé à une vaste opération de corruption en toute connaissance de cause », note le rapport intitulé Shell savait.
Ce rapport est un épisode de plus dans l’une des plus importantes affaires de l’histoire du Nigeria. Elle remonte à 2011, avec l’arrivée au pouvoir de Goodluck Jonathan. Cette année-là, le Président reprend les négociations pour vendre un bloc de pétrole off-shore extrêmement convoité − OPL 245 −, d’une capacité de production de plus de 9 milliards de barils (soit une valeur de 500 milliards d’euros environ, aux prix actuels du baril).
OPL 245 était alors aux mains de l’ancien ministre du Pétrole sous le régime de Sani Abacha : Dan Etete. Ce dernier se l’était lui-même auto-attribué dans le plus grand secret, en le vendant à la société Malabu Oil & Gas, dont il était le seul actionnaire.
« En 2011, Shell et la société italienne Eni ont payé 1,1 milliard de dollars […] pour acquérir ce bloc particulièrement lucratif », affirme le rapport, faisant référence à une affaire sur laquelle se penche également la justice italienne.
Shell dit qu’il ne « savait pas »
Le directeur général d’Eni, Claudio Descalzi a toujours défendu qu’ « Eni n’avait rien fait d’illégal », assurant que « Eni et Shell avaient payé le gouvernement nigérian, et n’avaient pas été impliqués dans la décision du gouvernement sur la manière d’utiliser cet argent ».
En 2012, Shell assurait également ne pas avoir su que le bloc appartenait à l’ancien ministre du Pétrole, qui aurait reçu une part importante de la commission, selon la justice italienne : près de 800 millions d’euros.
Pourtant, dans les échanges de mails entre deux dirigeants de Shell auxquels le rapport fait référence et que l’AFP a pu consulter, les liens entre le gouvernement nigérian et l’ex-ministre du Pétrole sont toutefois identifiés : « Le président [Goodluck Jonathan] veut régler l’affaire 245 rapidement, compte tenu des conséquences pour Malabu Oil & Gas et des contributions politiques qui s’en suivront », aurait ainsi écrit dans un message l’un des dirigeants de Shell.
Contacté par l’AFP, un porte-parole de Shell cité dans le rapport a commenté : « Si l’on regarde le dossier du procureur de Milan (où l’affaire est portée, ndlr), nous ne pensons pas qu’il y ait une quelconque information ou preuve permettant de poursuivre Shell. »
La Commission nigériane pour les crimes économiques et financiers (EFCC) mène une enquête parallèle sur cette affaire, et a mis en accusation le mois dernier 11 hommes d’affaires et politiciens nigérians, dont Dan Etete.
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